Quels éléments extérieurs ont poussé Société Générale CIB à modifier son offre auprès de ses clients grands corporates ?
En germe depuis 2010, les ratios de liquidité introduits par Bâle III ont un fort impact sur les métiers de financement. Ces nouveaux ratios nous poussent à détenir des
Comment SG CIB, qui s'adresse aux grands corporates, s'est-elle adaptée à ces contraintes ?
Le mix entre les prêts bancaires et les financements par les marchés de capitaux a commencé à évoluer et cela va continuer. Aux États-Unis, il est de 20/80. En Europe, où le financement bancaire est traditionnellement plus important (60/40 environ), le recours aux marchés de capitaux va se développer.
Nous nous adaptons en réduisant nos engagements sous formes de prêts bancaires. Certains secteurs sont plus particulièrement concernés : l'immobilier, l'aéronautique et le
Nous avons très tôt concentré nos efforts sur ces marchés. Nous avons lancé dès 2010 une activité d'émission obligataire High Yield en Europe, et de project bonds en 2011. Notre objectif est de répondre aux besoins des entreprises en tenant compte de nos nouvelles contraintes. Nous avons par ailleurs développé nos plates-formes obligataires en dollar et en livre sterling, qui viennent compléter notre dispositif en euro.
Mais tous les besoins de financement des entreprises ne peuvent pas être satisfaits par les marchés !
Certes, par exemple, le financement du besoin en fonds de roulement (BFR) continuera largement de se faire grâce à des prêts bancaires ou au travers de structures de titrisation. Le financement par les marchés de capitaux est surtout adapté au moyen et au long terme.
Concrètement, comment se traduit le développement des financements par les marchés de capitaux ?
L'exemple le plus intéressant est celui des entreprises
Cette tendance est très lourde, car les entreprises sub-investment grade sont les plus consommatrices en fonds propres pour les banques qui leur octroient des prêts. Les banques n'ont donc plus beaucoup d'appétit pour la dette LBO.
À l'inverse, le marché du High Yield explose, car il satisfait à la fois les investisseurs (qui sont à la recherche de placements liquides, publics et procurant un rendement intéressant), les banques (qui n'ont pas à mobiliser leurs bilans) et les émetteurs qui trouvent là un complément au prêt bancaire pour se financer.
Ainsi, ce qui se développe dans le marché du LBO, ce sont des schémas qui prévoient à la fois une tranche de dette LBO classique et une tranche d'émission obligataire High Yield ; ou alors, à la place de la tranche de dette LBO classique (dont l'échéance oscille généralement entre 5 et 7 ans), nous pouvons proposer un bridge (prêt bancaire à court terme) qui sera ensuite refinancé par le produit d'une émission obligataire High Yield.
Cette solution est intéressante pour l'entreprise, car nous pouvons mettre en place le bridge très rapidement. De plus, ce prêt est moins coûteux pour nous en fonds propres et n'est pas pénalisé par les ratios de liquidité, en raison de sa durée courte. Elle peut être fixée par exemple à un an maximum, mais si, après trois mois, le contexte devient favorable à la levée obligataire, alors le bridge prend fin avant l'échéance prévue initialement. Puis nous structurons l'émission et nous la distribuons.
Votre rôle d'intermédiaire entre les entreprises et les investisseurs est devenu essentiel, n'est-ce pas ?
En effet, c'est le cas et nous procédons de plus en plus souvent par reverse inquiry : nous cherchons d'abord à déceler les besoins chez les investisseurs ; si un assureur recherche par exemple des placements obligataires à très longue échéance (30 ans), nous sommes susceptibles de suggérer à une entreprise d'émettre long, si c'est également son intérêt.
Malgré le développement des financements obligataires, le prêt bancaire conserve une place importante pour les entreprises. Comment évolue l'étape de la syndication ?
Pour financer une entreprise par prêt bancaire, nous tenons souvent le rôle d'
Cherchez-vous à céder certains prêts à des investisseurs, c'est-à-dire à développer une stratégie « originate to distribute » ?
Pour l'instant, les investisseurs sont principalement attirés par les marchés de capitaux, mais certains (souvent des assureurs) sont en effet intéressés par l'acquisition de prêts bancaires. Ils souhaitent généralement que la banque conserve une partie du prêt, afin de préserver un alignement d'intérêts, mais parfois, ils veulent acquérir la totalité du prêt. Je citerais le cas, par exemple, d'un investisseur européen intéressé par un prêt accordé à un emprunteur européen et garanti par l'
Pour les investisseurs, ce type d'actifs présente une forte attractivité, qui compense les efforts à fournir (documentation épaisse et non standardisée, démarche complexe en cas de restructuration…).
Pour les financements de projets, ces cessions de prêts sont limitées, car les investisseurs sont plus exigeants que les banques en matière de rendement. En effet, ils connaissent moins bien que nous les risques associés à ces actifs et ne les évaluent pas toujours comme le fait le marché bancaire.
Par comparaison, les bridges suivis de refinancements obligataires eux-mêmes achetés par des investisseurs se développent à plus vive allure et, à mon sens, ces mécanismes font aussi partie du phénomène « originate to distribute ».
Il ne faut pas non plus se focaliser sur les investisseurs. Nous avons également réalisé de nombreuses cessions de prêts sur le marché secondaire à des banques. En effet, certains établissements sont très liquides aux États-Unis, au Japon mais aussi dans les pays émergents.
Autre type d'intervenants : les
Aujourd'hui, nous devons aller chercher les sources de liquidité où elles se trouvent, expliquer à ces détenteurs de capitaux les risques liés aux entreprises ou aux projets à financer et rendre ces risques acceptables.
Lorsqu'elles décident d'octroyer ou pas un crédit à un corporate, les banques semblent accorder plus d'importance qu'auparavant à la note de cette entreprise ; est-ce le cas de Société Générale CIB ?
Lorsque le crédit est syndiqué, les banques analysent la liquidité et le risque de contrepartie. La note accordée par les agences de notation est alors un critère important pour anticiper la liquidité du marché. En ce qui concerne le risque de crédit, nous nous reposons sur nos propres analyses.
Pour obtenir un crédit, l'emprunteur doit-il avoir des dépôts placés chez vous ?
Si le prêt est syndiqué, nous vérifions d'abord dans quelle mesure les autres banques sont susceptibles de participer à l'opération et à quel prix. Si le prêt est bilatéral, nous sommes sélectifs, mais nous ne rejetons jamais une demande de prêt sur la seule base de la rentabilité de l'opération. Nous évaluons la relation globale entre la banque et l'entreprise. Bien sûr, si elle place des liquidités dans notre établissement, cela pèse favorablement sur notre décision ; même chose si elle nous confie des mandats de conseil en fusions et acquisitions ou d'opérations de marché de capitaux, par exemple.
Les corporates ont également besoin de lignes de crédit qu'ils n'utilisent pas forcément ; les accordez-vous facilement ?
Le rôle de ces lignes est essentiellement d'apporter une liquidité contingente aux entreprises, importante aux yeux des agences de notation. Même si elles ne sont pas tirées, elles sont susceptibles d'impacter le ratio de liquidité court terme des banques. Si l'on tient compte de ce facteur, la banque n'est pas toujours bien rémunérée pour ce service. Donc, là aussi, nous examinons la relation globale entre la banque et l'entreprise avant de les accorder.