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Stabilité financière

Les fonds indiciels cotés montrés du doigt

Créé le

20.06.2011

-

Mis à jour le

30.06.2011

Dans une note du 12 avril, le Financial Stability Board estime que les ETF (Exchange Trade Funds) constituent une menace pour la stabilité financière. Pour répondre à cette mise en cause de ces fonds cotés, qui cherchent à répliquer la performance des indices boursiers, Revue Banque donne la parole à deux sociétés de gestion: iShares (activité du groupe Blackrock) et Lyxor (filiale du groupe Société Générale)

La défense de iShares

iShares  gère essentiellement des ETF à réplication physique (voir Encadré). Avez-vous recours à la pratique du prêt de titres, montrée du doigt par le FSB dans sa note publiée le 12 avril ?

Éric Wohleber. Rappelons d’abord que la majorité des ETF dans le monde sont gérés en réplication physique : ils sont simplement composés des titres de l’indice répliqué. Cette approche offre une grande transparence. Elle permet aussi de pratiquer le prêt de titres. Cette pratique génère des revenus complémentaires qui sont ensuite partagés avec le fonds donc avec les investisseurs. Nous donnons 60 % au véhicule et nous conservons les 40 % restants. Pour les porteurs de parts, ces revenus compensent l’impact des frais de gestion. Cette technique, qui n’est pas propre aux ETF physiques, est bien sûr très encadrée.

Pouvez-vous détailler le mécanisme du prêt de titres ?

Il porte généralement sur des actions très liquides des grands indices américains ou européens. Par exemple, un ETF qui traque le DJ Euro Stoxx 50 peut être concerné par cette pratique. La société de gestion prête les titres qui composent l’ETF à des banques d’investissement contre un taux de repo. Ces banques opèrent généralement pour un emprunteur final qui cherche à shorter la position et donc qui emprunte pour vendre. C’est lui, in fine,qui paye le taux de repo.

En plus du taux de repo, iShares reçoit un collatéral, c'est-à-dire une garantie dont la valeur est supérieure à la valeur des titres prêtés. Ce collatéral est généralement constitué d’obligations émises par les pays du G8. Ainsi, par exemple, pour 100 euros d’actions prêtées, iShares reçoit 104, voire 105, ou même 111 euros en obligations, en fonction du stress éventuel sur le marché. Bien sûr, iShares communique en toute transparence la composition du portefeuille du collatéral à ses clients.

Quel a été l’impact de la crise sur le mécanisme des prêts de titres ?

Au début de la crise, un flight to quality s’est produit sur les marchés. Les actions se sont effondrées et les obligations ont grimpé, le collatéral a donc progressé. La crise n’a absolument pas remis en cause l’efficacité du système, au contraire.

Et si la banque contrepartie fait défaut ?

C’est déjà arrivé, et dans ce cas, cela signifie que la banque ne peut pas nous rendre les actions prêtées. C’est précisément pour cette raison que nous mettons en place un collatéral. En cas de défaut, nous vendons le collatéral, qui est composé d’obligations, et nous rachetons les actions prêtées.

Le FSB dénonce les ETF avec levier et les ETF inversés...

En effet, des doutes avaient déjà été exprimés par d’autres autorités comme la  SEC [1] , qui s’était elle aussi penchée sur ces produits. C’est leur complexité et la compréhension qu’en ont les investisseurs qui poussent à s’interroger. Leur fonctionnement s’apparente à celui de produits structurés, mais ce sont pourtant des fonds UCITS 3. Ces produits nécessitent d’être bien compris et devraient donc s’adresser aux investisseurs avertis. Or ils sont souvent utilisés par des particuliers.

Le FSB dénonce aussi le risque d’interférence avec le High Frequency Trading [2] (HFT). Selon vous, qu’entend-il par là ?

Le HFT concerne les  BFI [3] . Les sociétés de gestion comme Blackrock ne le pratiquent pas et passent par des brokers pour acheter ou vendre des titres.

Le FSB estime que des produits similaires aux ETF, mais plus complexes et plus opaques, se sont développés, comme les Exchange-Traded Notes (ETN). Qu’en pensez-vous ?

Un ETF est un fonds, comme une Sicav ; dans ce cas, l’investisseur est protégé par les règles de la gestion collective. À côté des ETF, se sont développés les ETN et les ETC (Exchange-Traded Commodities) qui donnent accès au cours de l’or, du pétrole, de l’argent... Ces produits ne sont pas des fonds mais des notes, des obligations, et ne relèvent donc pas de la gestion collective. Ils ne comportent pas les mêmes risques.

Au plus fort de la crise, au moment de la faillite de Lehman Brothers qui fut le meilleur stress test imaginable, aucun ETF au monde n’a fait défaut. Tel ne fut pas le cas de certains ETN ou ETC. Ces fonds étant des véhicules de dette, si la contrepartie fait défaut, ils risquent de ne plus être négociés. C'est une différence de taille avec les ETF.

Le FSB estime que les ETF, de par leur poids, peuvent avoir une influence sur les cours des actifs sous-jacents…

Les ETF les plus importants traquent des indices très larges (S&P 500, DJ Euro Stoxx 50…). Dans ces cas de figure, l’ETF ne pèse rien par rapport à la taille du marché sous-jacent. Lorsque l’ETF réplique un indice de petite taille, le véhicule est généralement également petit, donc le ratio est le même. En revanche, il est vrai que certains ETN et ETC peuvent représenter un volume important par rapport au sous-jacent, quand il s’agit de matières premières qui génèrent de faibles volumes de transaction. C’est donc une préoccupation qui concerne davantage ce type de véhicules.

Avez-vous été surpris par la note du FSB ?

L’industrie des ETF et autres  ETP [4] s’est beaucoup développée au cours des dernières années. Fin mars 2011, il existait 3 724 produits indiciels cotés qui représentaient 1 583 milliards de dollars (à comparer aux 25 000 milliards de dollars investis en OPCVM dans le monde). En 10 ans, les sommes investies dans ces solutions ont été multipliées par 14. Cette très forte dynamique a logiquement poussé les autorités de tutelle à s’interroger sur le fonctionnement de ces véhicules. Nous avons toujours milité pour une grande transparence dans le secteur des ETF.

La défense de Lyxor

Pour gérer ses ETF, Lyxor  utilise la réplication synthétique. Le FSB estime que cette technique présente un risque de contrepartie. Que se passerait-il si la banque avec laquelle vous concluez le swap faisait défaut ?

Alain Dubois. En tant que fonds coordonné obéissant à la réglementation européenne UCITS, un ETF a le droit de prendre un risque sur une banque contrepartie à hauteur de 10 % de son actif. C’est la règle sur l’utilisation des produits dérivés. En principe, un fonds peut s’exposer à hauteur de 10 % sur une banque, de 10 autres pourcents sur une autre, etc. Chez Lyxor, nous prenons ce risque sur une seule banque, la Société Générale, donc l’exposition maximale d’un investisseur sur le risque bancaire s’élève à seulement 10 % de son actif. Le risque est d’autant plus faible que notre contrepartie est très solide. L’utilisation des instruments dérivés par les fonds en Europe est régulée depuis 2002. Un nouveau cap a été franchi en juillet 2010 avec la publication des guidelines du CESR, devenu ESMA. Ce document apporte une harmonisation et des précisions.

Le swap ne porte que sur 10 % de l’actif ?

Un swap comporte deux jambes. L’une reçoit la performance d’un portefeuille A qui sert de collatéral et l’autre donne, à la place, la performance d’un portefeuille B (qui correspond à l’évolution de l’indice traqué). Ces deux jambes n’ont pas tout à fait la même valeur mais il faut que la différence soit inférieure à 10 % de l’actif. Autrement dit, la valeur du portefeuille A n’est jamais inférieure à 90 % de la valeur du portefeuille B. Si la banque contrepartie était en cessation de paiement, la perte maximale pour l’investisseur serait de 10 % de la valeur liquidative du fonds.

N’est-il pas tentant de placer dans le panier collatéral des actifs moins liquides que l’indice traqué, mais qui soient plus rémunérateurs ?

Si on parle de risque pour l’investisseur, il n’en existe pas. Même si les actifs contenus dans le panier collatéral devaient être vendus à un prix faible en raison de leur illiquidité, l’investisseur n’en souffrirait pas car la banque contrepartie du swap conclu par l’ETF assumerait la perte.

Mais surtout, ce type de scénario ne concerne guère Lyxor dont la plupart des ETF sont éligibles au PEA. Donc 75 % des actifs qui constituent le collatéral doivent être des actions cotées européennes. Ce sont le plus souvent des actions très liquides, je ne vois pas où réside le risque.

Il est faux de dire que l’avantage économique serait de placer dans le collatéral des actifs moins liquides que l’indice.

Les soupçons du FSB sont-ils injustes ?

Je ne m’offusque pas de ce que dit le FSB. Le rôle d’un régulateur comme le FSB, c’est d’alerter sur des risques éventuels, mais cela ne veut pas dire que ces risques existent effectivement. Bien sûr, si la banque mettait en collatéral des actifs totalement illiquides pour une indexation sur l’Eurostoxx 50, on pourrait se dire qu’il y a un problème d’illiquidité du collatéral, mais je ne pense pas que ce soit compatible avec les règles européennes.

De plus, les ETF sont très transparents, puisque ce sont des fonds OPCVM coordonnés qui vont au-delà des exigences réglementaires : le risque de contrepartie est publié en permanence et la composition du portefeuille collatéral est publiée tous les mois donc chacun peut vérifier sa liquidité. En principe, un fonds coordonné ne doit publier son portefeuille qu’une fois par an.

Avec la réplication synthétique, n’existe-t-il pas un risque de conflit d’intérêt dès lors que la société de gestion et la banque contrepartie appartiennent au même groupe ?

La réglementation européenne sur les conflits d’intérêt est renforcée avec UCITS 4, qui entre en vigueur le 1er juillet. Mais la France appliquait déjà des règles très strictes et l’application de la directive ne changera pas la donne pour nous. Grâce à ces principes, l’indépendance de la gestion des OPCVM est garantie. Le gérant ne doit se préoccuper que de l’intérêt des investisseurs. C’est un raccourci extrême que de dire que sous prétexte qu’une société de gestion appartient à un groupe bancaire, elle ne saurait pas agir au profit des porteurs.

Mais en cas de stress sur le marché, si tous les investisseurs veulent récupérer leur patrimoine, la société de gestion peut être dans une position difficile : apparemment, si elle respecte son engagement de liquidité, elle peut mettre sa maison mère, c’est-à-dire la banque, en danger...

Dans un tel cas de figure, la société de gestion vendra les actifs qu’elle détient – soit sous forme de collatéral, soit en direct – et elle dénouera le swap à hauteur des remboursements demandés. Et s’il y a une perte sur les actifs qui servent de collatéral, elle se fera au détriment de la banque, sous réserve de sa position globale. La banque elle-même peut avoir couvert ce risque, c’est une question de gestion des risques à son niveau.

Le FSB dénonce plus particulièrement l’opacité des ETN et ETV…

En effet, certains de ces produits sont beaucoup plus opaques. Ce n'est pas le cas de tous : par exemple, les certificats bancaires sont des produits qui existent depuis plus de 20 ans, qui sont transparents et qui ne posent pas de problème. On ne peut pas en dire autant de certaines structures off-shore.

Faites-vous des ETF à levier ?

Nous gérons des ETF à levier, mais on ne peut pas dire que les ETF à levier ne sont pas transparents. Une formule très claire dit comment l’évolution de l’ETF est calculée par rapport à l’évolution de l’indice. Vous voyez tous les jours comment le fonds évolue par rapport à l’indice.

Il n’y a rien de plus transparent qu’un ETF.

Au sujet des ETF à levier, le FSB parle d’une complexité excessive, surtout s’ils sont à la fois inversés et à levier.

Nous gérons ce type de fonds et ils ne sont pas complexes ! Un ETF inversé, c’est une indexation qui donne une exposition short, donc qui varie dans le sens contraire de l’indice. C’est plus compliqué qu’une indexation simple, qui va dans le même sens que l’indice, mais ce n’est pas très compliqué non plus. De plus, ces ETF représentent une très faible part du marché.

Le FSB parle d’un risque d’interférence entre les ETF et le HFT…

Je ne comprends vraiment pas de quoi il s’agit. Ils n’ont rien à voir avec des activités haute fréquence. Les ETF sont des fonds à liquidité quotidienne, comme la plupart des OPCVM coordonnées. Je ne vois pas en quoi le HFT est concerné.

Pourquoi utilisez-vous la réplication synthétique et non pas physique ?

La méthode synthétique est plus simple et limite mieux la traking error. Et cette méthode n’est pas complexe, même si elle fait intervenir des dérivés. Il existe des produits dérivés complexes, des options compliquées, mais les ETF synthétiques utilisent uniquement des dérivés très simples qui échangent les performances d’un panier contre un autre panier. Il n’y a rien de plus simple !

1 L'autorité des marchés financiers aux États-Unis, NDLR. 2 HFT : Vente et achat de titres grâce à des outils informatiques très performants. Leur puissance de calcul et la rapidité d’exécution sont soupçonnées de perturber le fonctionnement des marchés. Le HFT est mis en cause dans le mini krach de Wall Street du 6 mai 2010. 3 Banques de financement et d’investissement. 4 Selon le FSB, les exchanged –traded products (ETPs) désignent généralement les ETF, les ETN et les ETV. Ces derniers sont proches des ETN mais ils sont émis par des SPV (Special Purpose Vehicules).

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº738
Notes :
1 L'autorité des marchés financiers aux États-Unis, NDLR.
2 HFT : Vente et achat de titres grâce à des outils informatiques très performants. Leur puissance de calcul et la rapidité d’exécution sont soupçonnées de perturber le fonctionnement des marchés. Le HFT est mis en cause dans le mini krach de Wall Street du 6 mai 2010.
3 Banques de financement et d’investissement.
4 Selon le FSB, les exchanged –traded products (ETPs) désignent généralement les ETF, les ETN et les ETV. Ces derniers sont proches des ETN mais ils sont émis par des SPV (Special Purpose Vehicules).