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Finance durable : un devoir, une opportunité

Créé le

17.05.2019

-

Mis à jour le

04.06.2019

Face aux enjeux du réchauffement climatique, le temps n’est plus aux atermoiements. En matière financière, la conscience de l’urgence à réussir la transition énergétique mobilise aujourd’hui tant les particuliers, nombreux à vouloir désormais l’intégration des critères ESG dans leurs décisions d’investissement, que les entreprises, qui se convertissent aux facteurs de durabilité.

Dans ce cadre, le rôle des marchés et acteurs financiers dans le financement de la transition énergétique est essentiel, selon deux axes prioritaires :

  • flécher l’épargne vers la transition énergétique et les projets « verts », y compris dans les pays émergents ;
  • être le catalyseur de la bascule de l’économie tout entière vers la transition énergétique, en faisant pression sur les autres acteurs économiques pour accélérer leur conversion.
Ces priorités sont aujourd’hui portées par une volonté politique clairement affichée en Europe. Elles sous-tendent notamment le plan de la Commission européenne pour la finance verte, annoncé en mars 2018, et les initiatives de nombreux autres acteurs de la sphère financière : régulateurs, superviseurs, banquiers centraux, associations professionnelles, académiques et, bien entendu, établissements financiers.

Si la dynamique est là, elle doit à présent se décliner concrètement dans des actes et des résultats. Or de nombreuses étapes restent encore à franchir pour diriger efficacement les flux des épargnants et investisseurs vers les projets verts des entreprises.

La première d’entre elles est celle de l’élaboration d’une taxonomie commune, qui doit définir grâce à des métriques et des critères techniques objectifs, ce que sont les activités durables. Elle constituera le socle indispensable à la construction d’une finance durable. Les travaux sont menés par la Commission européenne et devraient aboutir d’ici à la fin de l’année.

Un autre enjeu majeur porte sur le reporting par les émetteurs et les investisseurs pour compte de tiers, d’informations relatives aux facteurs de risque climatique, d’une part pour mesurer l’impact climatique des investissements, mais aussi pour susciter l’intérêt et la confiance des épargnants, et accroître les financements vers l’économie bas-carbone. La France a pris de l’avance dans ce domaine en imposant une obligation de reporting climatique, via l’article 173 de la loi française sur la transition énergétique d’août 2015, mais les discussions et travaux restent en cours à l’échelle européenne et plus largement internationale, pour aboutir à des standards de marché.

Côté investisseurs, se pose également la nécessité de repenser les stratégies d’investissement, non seulement pour décarboner les portefeuilles, mais aussi s’orienter plus décisivement vers des projets en faveur d’une économie durable. Avec, à la clé, des réflexions sur la rentabilité, la durée et la durabilité de ces investissements.

Côté émetteurs, le marché des green bonds se structure aujourd’hui autour des Green Bonds Principles, mais il conserve encore un large potentiel de croissance auprès de certains acteurs économiques comme les constructeurs automobiles qui disposent de quantité suffisante d’actifs éligibles. D’autres formes innovantes de levées de capitaux verts devraient également se développer, comme les green bonds convertibles, les obligations à impact environnemental, voire des titrisations « vertes ».

Les intermédiaires de marché, enfin, doivent intégrer le risque climatique dans leur dispositif global de gestion des risques ainsi que dans leur stratégie d’appétit au risque, et mettre en œuvre des outils de gouvernance et de contrôle adaptés.

Mais au-delà de son caractère d’obligation quasiment morale, la mobilisation en faveur du financement de la transition énergétique constitue également une opportunité historique pour positionner les marchés de l’Union européenne en pionniers et en leaders mondiaux. La relative abondance de l’épargne, la volonté politique assez transpartisane d’aller de l’avant et l’expertise déjà construite sur certains domaines, tels les green bonds, sont autant d’atouts qui distinguent l’Europe et singulièrement la France. Il nous appartient désormais de transformer collectivement l’essai, et c’est l’ambition de ce hors-série d’apporter sa pierre à un débat désormais essentiel.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº833bis