Facteurs explicatifs du montant de la décote

L&rsquo;analyse d&rsquo;interviews qualitatives aupr&egrave;s d&rsquo;investisseurs et d&rsquo;acheteurs sur le march&eacute; secondaire du Private Equity (PE), confront&eacute;e &agrave; un &eacute;chantillon de 40 transactions r&eacute;centes permet d&rsquo;identifier quatre facteurs explicatifs de la formation d&rsquo;une d&eacute;cote plus ou moins &eacute;lev&eacute;e sur ce march&eacute;. xxxgraphique 1xxx Initialement cr&eacute;&eacute; afin de permettre &agrave; des investisseurs sous pression un retour &agrave; la liquidit&eacute; avant le terme l&eacute;gal du fonds, le march&eacute; secondaire du PE s&rsquo;est depuisconsid&eacute;rablement d&eacute;velopp&eacute;. De 23 milliards de dollars en 2012, le volume annuel de transactions est pass&eacute; &agrave; 88 milliards en 2019 [1] . Outre l&rsquo;apparition de nouvelles strat&eacute;gies ainsi que de nouvelles transactions toujours plus complexes, le march&eacute; a vu son nombre d&rsquo;acteurs se d&eacute;multiplier au cours de la derni&egrave;re d&eacute;cennie. Alors que les vendeurs n&rsquo;h&eacute;sitent plus &agrave; c&eacute;der des investissements performants &agrave; des fins de r&eacute;&eacute;quilibrage de leur portefeuille &agrave; mesure que leur strat&eacute;gie &eacute;volue, de nouveaux acheteurs non traditionnels &ndash; fonds de pension et autres Hedge Funds &ndash;, attir&eacute;s par les nombreux avantages offerts par la classe d&rsquo;actifs, investissent le march&eacute;. Cons&eacute;quence directe de ce nouvel &eacute;quilibre entre l&rsquo;offre et la demande, le prix des transactions a consid&eacute;rablement grimp&eacute; depuis la crise de 2008. Autrefois caract&eacute;ris&eacute; par des d&eacute;cotes &eacute;lev&eacute;es, traduction du &laquo; co&ucirc;t de l&rsquo;illiquidit&eacute; &raquo; ou du &laquo; prix &agrave; payer &raquo; pour un retour pr&eacute;matur&eacute; &agrave; la liquidit&eacute; pour le vendeur, le prix moyen des transactions sur le march&eacute; secondaire du PE s&rsquo;&eacute;levait &agrave; 93 % de la Net Asset Value (NAV) en 2019 contre 82 % en 2012. Plus r&eacute;v&eacute;lateur encore : des parts du fonds de Buyout Lindsay Goldberg IV ont chang&eacute; de main pour un prix de transaction s&rsquo;&eacute;levant &agrave; 130 % de la NAV au cours du deuxi&egrave;me trimestre 2019. Bien que complexe &agrave; appr&eacute;hender, la d&eacute;cote soul&egrave;ve n&eacute;anmoins des questions cruciales. Dans quelle mesure la NAV refl&egrave;te-t-elle la juste valeur d&rsquo;un actif ? Comment justifier cet &eacute;cart entre prix offert et NAV d&rsquo;un actif ? L&rsquo;entr&eacute;e sur le march&eacute; de nouveaux acteurs et de nouvelles strat&eacute;gies pose &eacute;galement la question du r&ocirc;le de l&rsquo;environnement concurrentiel sur la dynamique des prix, entre incursion des interm&eacute;diaires et d&eacute;veloppement du levier financier. La comparaison d&rsquo;une valeur et d&rsquo;un prix &agrave; des moments diff&eacute;rents dans le temps Comme sur tout march&eacute;, acheteurs et vendeurs sur le march&eacute; secondaire du PE doivent s&rsquo;accorder sur un prix &agrave; payer pour acqu&eacute;rir les actifs, ce dernier &eacute;tant exprim&eacute; en pourcentage de la NAV du fonds &ndash; diff&eacute;rence entre la valeur comptable des actifs et des dettes. Lorsque les acheteurs paient un prix sup&eacute;rieur &agrave; 100 % de la NAV, on dit qu&rsquo;ils paient avec un premium par rapport &agrave; la juste valeur des actifs sur le march&eacute;. A contrario, s&rsquo;ils payent un prix inf&eacute;rieur &agrave; 100 % de la NAV, on dit qu&rsquo;ils paient avec un discount. Les vendeurs calquent g&eacute;n&eacute;ralement sensiblement leur valorisation sur celle du General Partner (GP) &agrave; moins d&rsquo;information suppl&eacute;mentaire qui n&eacute;cessite un ajustement de la NAV report&eacute;e ; la base &eacute;tant de faire confiance, mais la confiance n&rsquo;excluant pas le contr&ocirc;le. Si les normes comptables et les recommandations de l&rsquo;IPEV &eacute;voluent ind&eacute;niablement vers une harmonisation des principes d&rsquo;&eacute;valuation, il est act&eacute; que les managers disposent toujours d&rsquo;un degr&eacute; de libert&eacute; dans la valorisation de leur portefeuille et qu&rsquo;il est, de facto, tout &agrave; fait possible que ces derniers adoptent des comportements opportunistes quant &agrave; leurs valorisations dans certains contextes. Dans leur &eacute;tude reposant sur 761 fonds de PE dans lesquels le fonds de pension de Californie, CalPERS, a investi, T. Jenkinson et al. [2] mettent en &eacute;vidence la tendance des GP &agrave; sous-&eacute;valuer leur NAV d&rsquo;en moyenne 35 %. N&eacute;anmoins, ce conservatisme prendrait fin lorsqu&rsquo;un fonds s&rsquo;appr&ecirc;te &agrave; lever un v&eacute;hicule successeur. Typiquement, en p&eacute;riode de fundraising, il est courant de la part des GP de booster les NAV des v&eacute;hicules pr&eacute;c&eacute;dents afin de susciter un plus grand app&eacute;tit des investisseurs pour ce nouveau fonds. Il n&rsquo;est donc pas rare que les acheteurs de secondaires tiennent compte de cette sur&eacute;valuation de la NAV en proposant une d&eacute;cote plus importante. Thibault Homo, investisseur chez Five Arrows Secondary Opportunities, rappelle &eacute;galement que la NAV d&eacute;pend de nombreuses hypoth&egrave;ses &ndash; quant &agrave; l&rsquo;EBITDA et au multiple retenus &ndash; qui peuvent &ecirc;tre diff&eacute;rentes pour l&rsquo;acheteur et donc engendrer des &eacute;carts de valorisation cons&eacute;quents. Si la d&eacute;termination de la NAV rev&ecirc;t un caract&egrave;re pour le moins subjectif, rappelons &eacute;galement que les logiques de valorisation ne sont pas les m&ecirc;mes pour les acheteurs et les vendeurs. Tandis que les GP, et par voie de cons&eacute;quence les vendeurs, cherchent &agrave; d&eacute;terminer la valeur des actifs &agrave; date, les acheteurs s&rsquo;int&eacute;ressent pour leur part &agrave; la valeur des sous-jacents &agrave; leur sortie. &laquo; La vraie mani&egrave;re d&rsquo;effectuer notre pricing est de valoriser chaque actif &agrave; la sortie. En fonction de notre objectif de multiple et de TRI pour le fonds, nous obtenons in fine un prix de transaction &raquo; indique Christophe Simon, responsable de la strat&eacute;gie secondaire chez Idinvest Partners. En plus de valoriser les actifs d&eacute;j&agrave; pr&eacute;sents dans le fonds, les acheteurs doivent &eacute;galement valoriser le capital restant &agrave; &ecirc;tre appel&eacute;. Par cons&eacute;quent, le discount n&rsquo;est que quelque chose d&rsquo;anecdotique et r&eacute;sulte de la formation d&rsquo;un prix soumis &agrave; un objectif de performance. Loin d&rsquo;&ecirc;tre un objectif premier pour la plupart des acheteurs, nombreux sont d&rsquo;ailleurs ceux pr&eacute;f&eacute;rant acheter &agrave; un prix &eacute;lev&eacute; une part de fonds ou un portefeuille d&rsquo;actifs de tr&egrave;s bonne qualit&eacute; plut&ocirc;t que l&rsquo;inverse. Enfin, ces &eacute;carts de valorisation s&rsquo;expliquent &eacute;galement par un facteur temps. Pour toute transaction, une date de r&eacute;f&eacute;rence est d&eacute;termin&eacute;e, et donc une NAV servant &agrave; la n&eacute;gociation. Par nature, les NAV publi&eacute;es ont un lag, c&rsquo;est-&agrave;-dire un retard d&rsquo;un trimestre, si bien que la valeur des actifs &agrave; la date de r&eacute;f&eacute;rence peut &ecirc;tre diff&eacute;rente de leur NAV. Davantage, il s&rsquo;&eacute;coule g&eacute;n&eacute;ralement plusieurs mois entre la date de r&eacute;f&eacute;rence et la cl&ocirc;ture de la transaction, ce qui est susceptible de faire appara&icirc;tre des &eacute;carts de valorisation encore plus cons&eacute;quents. &laquo; Le moment auquel le prix est formul&eacute; est toujours post&eacute;rieur &agrave; la date de r&eacute;f&eacute;rence, et donc &agrave; la NAV retenue pour la n&eacute;gociation. Il est donc relativement normal qu&rsquo;apparaissent des &eacute;carts entre les prix propos&eacute;s et les NAV retenues, puisqu&rsquo;ils concernent des moments dans le temps diff&eacute;rents &raquo; souligne Christophe Simon. Ce d&eacute;calage peut &eacute;galement donner lieu &agrave; des distributions entre les deux dates, imposant d&egrave;s lors des compensations, et n&rsquo;&eacute;tant donc pas sans cons&eacute;quence sur le prix de transaction. La lecture du discount est donc &agrave; prendre avec des pincettes, n&rsquo;&eacute;tant rien d&rsquo;autre que la comparaison d&rsquo;une valeur &ndash; subjective &ndash;, et d&rsquo;un prix &ndash; soumis &agrave; un objectif de performance &ndash; &agrave; des moments diff&eacute;rents dans le temps. L&rsquo;&acirc;ge du fonds : facteur explicatif du prix de transaction sur le march&eacute; secondaire du Private Equity Outre des logiques de valorisation distinctes entre acheteurs et vendeurs, un discount plus ou moins &eacute;lev&eacute; sur le march&eacute; secondaire du PE d&eacute;pend &eacute;galement d&rsquo;un deuxi&egrave;me facteur non n&eacute;gligeable : les caract&eacute;ristiques des fonds &agrave; la vente, ainsi que des actifs y &eacute;tant log&eacute;s. Si de nombreux crit&egrave;res tels que la taille du fonds, la taille de la part mise en vente, les performances du fonds ou encore la qualit&eacute; du GP sont susceptibles d&rsquo;expliquer des prix plus agressifs que d&rsquo;autres, un crit&egrave;re en particulier a &eacute;t&eacute; mis en avant au cours des entretiens r&eacute;alis&eacute;s : l&rsquo;&acirc;ge du fonds et la maturit&eacute; des actifs sous-jacents. L&rsquo;analyse permet de distinguer 3 types de transactions relatifs &agrave; l&rsquo;&acirc;ge des fonds c&eacute;d&eacute;s. Tout d&rsquo;abord, les early secondaries concernent la vente de parts de fonds tr&egrave;s jeunes &ndash; 0 &agrave; 3 ans &ndash; qui s&rsquo;&eacute;changent avec des d&eacute;cotes significatives. En effet, plus le fonds rachet&eacute; sur le march&eacute; est jeune, plus la p&eacute;riode de d&eacute;tention est longue pour l&rsquo;acheteur secondaire et plus il reste d&rsquo;unfunded capital ou capital restant &agrave; &ecirc;tre appel&eacute;, ce qui g&eacute;n&egrave;re pour ce dernier de l&rsquo;incertitude. Martine Legendre, responsable des investissements alternatifs d&rsquo;Allianz pr&eacute;cise que le but du secondaire est principalement de racheter des actifs matures qui n&rsquo;ont pas vocation &agrave; &ecirc;tre d&eacute;tenus aussi longtemps qu&rsquo;en primaire, afin de r&eacute;cup&eacute;rer son cash rapidement. Aussi, si les actifs en vente sont tr&egrave;s jeunes, le fonds en question est potentiellement moins int&eacute;ressant aux yeux de l&rsquo;investisseur car il faut attendre longtemps avant qu&rsquo;il ne soit revendu et ainsi r&eacute;cup&eacute;rer son cash. On distingue ensuite les fonds matures &ndash; 4 &agrave; 9 ans &ndash; qui sont sur le point, ou ont d&eacute;j&agrave; cl&ocirc;tur&eacute; leur p&eacute;riode d&rsquo;investissement. &Agrave; la diff&eacute;rence des fonds tr&egrave;s jeunes pour lesquels peu d&rsquo;investissements ont &eacute;t&eacute; r&eacute;alis&eacute;s, ces fonds matures sont d&eacute;j&agrave; investis &agrave; plus de 50 %. D&egrave;s lors, les acheteurs ont plus de visibilit&eacute; sur les actifs sous- jacents et, davantage, ces derniers ont un potentiel d&rsquo;appr&eacute;ciation important. La d&eacute;cote est par cons&eacute;quent plus faible pour ces vintages et nombreux sont les acheteurs secondaires qui paient d&eacute;sormais un premium pour acqu&eacute;rir ces parts. La constitution d&rsquo;un &eacute;chantillon de 40 transactions secondaires, toutes r&eacute;alis&eacute;es au second semestre de l&rsquo;ann&eacute;e 2019, permet de mettre en exergue ce ph&eacute;nom&egrave;ne. En effet, le prix moyen pour les fonds de 4 &agrave; 9 ans de l&rsquo;&eacute;chantillon &eacute;tait de 106 % de la NAV soit une prime de 6 %. Enfin, on parle de transactions dites &laquo; tail-end &raquo; concernant des actifs r&eacute;siduels, c&rsquo;est-&agrave;-dire en fin de vie du fonds &ndash; 10 ans et plus. Ces actifs r&eacute;siduels n&rsquo;ont pas le m&ecirc;me potentiel d&rsquo;appr&eacute;ciation. La performance n&rsquo;est donc pas driv&eacute;e majoritairement par des multiples &eacute;lev&eacute;s mais par des p&eacute;riodes de d&eacute;tention courtes. Afin de maximiser les rendements, les acheteurs essayent d&rsquo;acheter ces parts de fonds le moins cher possible. Au-del&agrave; d&rsquo;un potentiel d&rsquo;upside bien plus limit&eacute;, ces fonds poss&egrave;dent par nature moins d&rsquo;actifs. Ils sont donc moins diversifi&eacute;s et plus risqu&eacute;s. Ainsi, bien que moindre par rapport aux early secondaries, le discount est souvent chose commune pour ce type de transactions. Le prix moyen des fonds tail-end de l&rsquo;&eacute;chantillon &eacute;tait en effet de 92 % de la NAV soit une d&eacute;cote de 8 %. Si l&rsquo;&acirc;ge du fonds est crucial dans la formation du prix d&rsquo;une transaction secondaire, rappelons &eacute;galement que le risque inh&eacute;rent &agrave; chaque actif y joue un r&ocirc;le pr&eacute;pond&eacute;rant. Un portefeuille de LBO est moins risqu&eacute; qu&rsquo;un portefeuille de Venture Capital. Une soci&eacute;t&eacute; sous buyout ayant d&eacute;j&agrave; v&eacute;cu 4 LBO et qui a donc prouv&eacute; sa capacit&eacute; &agrave; cro&icirc;tre et se d&eacute;l&eacute;verager facilement gr&acirc;ce &agrave; un management solidement en place, n&rsquo;a pas le m&ecirc;me risque qu&rsquo;une start-up early stage avec &agrave; sa t&ecirc;te un fondateur dont c&rsquo;est la premi&egrave;re aventure entrepreneuriale indique Christophe Simon. Davantage, l&rsquo;environnement juridique et fiscal du fonds est un &eacute;l&eacute;ment porteur de plus ou moins de risques. Aussi, un fonds en Afrique a plus de chance d&rsquo;&ecirc;tre d&eacute;cot&eacute; qu&rsquo;un fonds europ&eacute;en. Un fonds en Europe de l&rsquo;Est peut avoir un environnement l&eacute;gal beaucoup plus sujet &agrave; interpr&eacute;tation qu&rsquo;un fonds en Europe de l&rsquo;Ouest. Par cons&eacute;quent, cette prudence en fonction de la nature des actifs et donc de leur risque se refl&egrave;te dans le prix propos&eacute;. Motivations des acheteurs et des vendeurs au cœur de la dynamique des prix Toute transaction entre un acheteur et un vendeur ob&eacute;it &agrave; une certaine rationalit&eacute; de la part de ces derniers, et il convient de comprendre de quelle mani&egrave;re leur motivation respective peut influer sur le prix de vente au sein du march&eacute; secondaire du PE. Certains vendeurs ont un besoin imm&eacute;diat de liquidit&eacute;. C&rsquo;est le cas des fonds de pension devant faire face aux paiements des retraites ou des compagnies d&rsquo;assurance devant couvrir leurs assur&eacute;s ; de certains LP pouvant avoir des dettes qui arrivent &agrave; &eacute;ch&eacute;ance et qu&rsquo;ils doivent rembourser. Davantage, il est fr&eacute;quent qu&rsquo;un Limited Partner (LP) se soit engag&eacute; dans un fonds et ait pr&eacute;vu de r&eacute;pondre aux appels en utilisant les distributions pr&eacute;alablement re&ccedil;ues d&rsquo;autres fonds. Afin de pallier le retard ou l&rsquo;absence de distributions attendues, l&rsquo;investisseur peut alors avoir recours au march&eacute; secondaire afin de retrouver la liquidit&eacute; n&eacute;cessaire. Ainsi, de tels vendeurs seront plus susceptibles d&rsquo;accepter une d&eacute;cote qu&rsquo;un vendeur cherchant &agrave; r&eacute;&eacute;quilibrer son portefeuille. En effet, il ne faut pas oublier que le discount est un vrai frein &agrave; la transaction si bien que de nombreux investisseurs refusent de n&eacute;gocier sous la NAV soul&egrave;ve Thibault Homo. Si ces vendeurs sont r&eacute;fractaires &agrave; l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;accepter une d&eacute;cote, c&rsquo;est parce qu&rsquo;une transaction effectu&eacute;e avec un discount entra&icirc;ne n&eacute;cessairement la reconnaissance d&rsquo;une perte dans les comptes du vendeur. D&egrave;s lors, comment expliquer que certains vendeurs n&rsquo;ayant pas besoin de liquidit&eacute;s &agrave; court terme acceptent de vendre leurs parts avec une d&eacute;cote ? La r&eacute;ponse tient en un mot : arbitrage. Il peut &ecirc;tre plus rentable pour les LP de se s&eacute;parer de leurs parts moyennant une d&eacute;cote de 20 % et de red&eacute;ployer cet argent dans un autre fonds ou dans une autre classe d&rsquo;actifs, que de conserver ces parts deux ans de plus avec une appr&eacute;ciation nulle, ce qui &eacute;roderait consid&eacute;rablement leur TRI. En r&eacute;alit&eacute;, de nombreux investisseurs c&eacute;dant leurs parts dans des fonds matures contre un discount ont atteint leur objectif initial de performance malgr&eacute; celui-ci et pr&eacute;f&egrave;rent donc red&eacute;ployer leur capital quitte &agrave; passer une correction comptable. &Agrave; l&rsquo;oppos&eacute;, les motivations des acheteurs peuvent &eacute;galement &ecirc;tre un facteur d&eacute;terminant du montant de la d&eacute;cote. De la m&ecirc;me mani&egrave;re que pour les vendeurs, les acheteurs ont un objectif de performance et s&rsquo;engagent aupr&egrave;s de leurs LP sur un TRI cible. D&egrave;s lors, un acheteur dont l&rsquo;objectif de rendement est plus faible pourra se permettre un prix &agrave; l&rsquo;achat plus &eacute;lev&eacute;. En effet, certains acheteurs visent 10 % de rendement quand d&rsquo;autres viseront 20-25 %. Ceux qui ne visent &laquo; que &raquo; 10 % pourront &ecirc;tre plus agressifs et la d&eacute;cote aura tendance &agrave; se r&eacute;tr&eacute;cir, voire se transformer en prime. Autrement dit, plus les rendements recherch&eacute;s sont &eacute;lev&eacute;s, plus la d&eacute;cote est susceptible d&rsquo;&ecirc;tre importante. Notons que le march&eacute; secondaire est de plus en plus liquide. Ces derni&egrave;res ann&eacute;es, les acheteurs de secondaire ont lev&eacute; &eacute;norm&eacute;ment d&rsquo;argent et les montants de dry powder ont atteint des sommets &ndash; environ 170 milliards de dollars &agrave; fin 2019 [3] . Cet afflux de liquidit&eacute;s n&rsquo;est pas sans cons&eacute;quence sur le prix des transactions. Pour les acheteurs, s&rsquo;ils ont r&eacute;cemment lev&eacute; beaucoup d&lsquo;argent et doivent donc d&eacute;ployer, &ndash; par obligation contractuelle et pour montrer qu&rsquo;ils font des deals &ndash; il est probable qu&rsquo;ils soient moins regardants sur ce qu&rsquo;ils ach&egrave;tent et, pour &ecirc;tre s&ucirc;rs de remporter la transaction, paient plus cher. La d&eacute;cote risque donc, une nouvelle fois, de se r&eacute;duire voire de dispara&icirc;tre. En plus de devoir d&eacute;ployer des montants consid&eacute;rables, les acheteurs sont davantage s&eacute;lectifs dans leurs investissements en raison de l&rsquo;incertitude li&eacute;e &agrave; la Covid-19. Cela engendre des transactions plus concurrentielles et des offres plus agressives. Ainsi, la d&eacute;cote ne rel&egrave;ve pas uniquement des caract&eacute;ristiques du fonds, et des caract&eacute;ristiques des acteurs mais &eacute;galement de la concurrence accrue sur le march&eacute;. L&rsquo;environnement comp&eacute;titif joue donc un r&ocirc;le essentiel dans la formation du prix, ce dernier &eacute;tant le quatri&egrave;me axe de l&rsquo;analyse. Un environnement concurrentiel fort permet d&rsquo;expliquer une d&eacute;cote plus ou moins &eacute;lev&eacute;e Le march&eacute; secondaire du PE s&rsquo;est consid&eacute;rablement d&eacute;velopp&eacute; au cours des derni&egrave;res ann&eacute;es. Les acheteurs historiques proc&egrave;dent &agrave; des lev&eacute;es de fonds records, comme en t&eacute;moigne le dernier fonds secondaire d&rsquo;Ardian qui vient de lever 19 milliards de dollars au d&eacute;but de l&rsquo;&eacute;t&eacute;, faisant &eacute;cho &agrave; celle de son principal concurrent am&eacute;ricain, Lexington Partners, qui avait empoch&eacute; 14 milliards de dollars en janvier dernier. Attir&eacute;s par les avantages induits par la classe d&rsquo;actifs, ainsi que par des vendeurs d&eacute;sormais plus enclins &agrave; faire tourner leur portefeuille &agrave; des fins de r&eacute;&eacute;quilibrage de ce dernier, de nouveaux acteurs ont &eacute;galement fait leur apparition. Si des acheteurs plus nombreux &ndash; et diversifi&eacute;s &ndash; justifient m&eacute;caniquement un march&eacute; davantage concurrentiel, cette pression comp&eacute;titive s&rsquo;explique &eacute;galement par le r&ocirc;le des interm&eacute;diaires lors d&rsquo;une transaction secondaire. Autrefois march&eacute; de gr&eacute; &agrave; gr&eacute; entre des vendeurs peu rompus &agrave; la vente de leurs int&eacute;r&ecirc;ts et des acheteurs sp&eacute;cialis&eacute;s, des interm&eacute;diaires ont identifi&eacute; l&rsquo;opportunit&eacute; de proposer leurs services et leur savoir-faire aux vendeurs &ndash; et d&eacute;sormais &eacute;galement aux acheteurs &ndash;, si bien que 70,3 % des transactions secondaires en 2019 ont &eacute;t&eacute; r&eacute;alis&eacute;es avec l&rsquo;aide d&rsquo;un interm&eacute;diaire [4] . Leur r&ocirc;le principal est de maintenir une pression concurrentielle maximale pour que les prix soient les plus &eacute;lev&eacute;s possible. Selon Martine Legendre, plus il y a d&rsquo;acheteurs et plus la probabilit&eacute; pour que l&rsquo;un d&rsquo;entre eux ne fasse pas le travail de valorisation et propose ainsi le prix demand&eacute; par le vendeur est &eacute;lev&eacute;. Ainsi, en instaurant un syst&egrave;me d&rsquo;ench&egrave;res et en garantissant un nombre d&rsquo;acheteurs maximal, les interm&eacute;diaires contribuent &agrave; la r&eacute;duction du discount. Afin de faire face &agrave; cet environnement comp&eacute;titif, qui implique donc des prix plus &eacute;lev&eacute;s, les fonds utilisent de plus en plus le levier financier. Plus les fonds sont gros et diversifi&eacute;s, moins l&rsquo;utilisation du leverage est risqu&eacute;e. La tendance &agrave; l&rsquo;accroissement de la taille des fonds ne fait donc qu&rsquo;amplifier cette utilisation de produit de dettes ou de quasi-equity. Le recours au levier, qu&rsquo;il soit &agrave; l&rsquo;&eacute;chelle du fonds ou de la transaction, permet ainsi de proposer des primes sans renier la performance. Le prix de certains actifs ne refl&egrave;te donc pas n&eacute;cessairement leur qualit&eacute; intrins&egrave;que, mais s&rsquo;explique tout simplement par l&rsquo;utilisation du levier financier. D&egrave;s lors, certains actifs s&rsquo;&eacute;changent avec peu ou pas de d&eacute;cote non pas parce qu&rsquo;ils sont de tr&egrave;s bonne qualit&eacute; mais en raison de l&rsquo;utilisation intensive du levier rendant la lecture du prix de transaction encore plus d&eacute;licate. Conclusion Contrairement aux id&eacute;es re&ccedil;ues selon lesquelles le march&eacute; secondaire est synonyme d&rsquo;importantes d&eacute;cotes &agrave; l&rsquo;achat en raison du caract&egrave;re illiquide du PE, ce travail de recherche montre que seulement 49 % des transactions secondaires issues de l&rsquo;&eacute;chantillon retenu ont fait appara&icirc;tre une d&eacute;cote. Autrefois caract&eacute;ristique de vendeurs dits &laquo; distressed &raquo; et manifeste du co&ucirc;t &agrave; payer pour retrouver la liquidit&eacute;, cette derni&egrave;re se r&eacute;tr&eacute;cit de plus en plus &agrave; mesure que le march&eacute; gagne en maturit&eacute;, et de nombreux acheteurs n&rsquo;h&eacute;sitent plus &agrave; payer avec une prime des actifs de qualit&eacute;. Mieux encore, l&rsquo;analyse qualitative met en &eacute;vidence que la d&eacute;cote, si elle existe, n&rsquo;est pas tant un objectif &ndash; qui correspondrait &agrave; la volont&eacute; de payer les actifs le moins cher possible &ndash; que la cons&eacute;quence de la fixation d&rsquo;un prix de vente, conditionn&eacute;e en premier lieu &agrave; une cible de performance, puis compar&eacute;e &agrave; une NAV, qui est plus subjective. Rappelons qu&rsquo;une d&eacute;cote n&rsquo;est pas forc&eacute;ment synonyme de perte pour le vendeur. De nombreux investisseurs acceptant un prix inf&eacute;rieur &agrave; la NAV ont d&eacute;j&agrave; atteint leur TRI recherch&eacute;, et utilisent le march&eacute; secondaire afin de red&eacute;ployer leur capital dans un actif plus rentable. Aussi, de tr&egrave;s nombreux facteurs entrent en jeu lors de la formation d&rsquo;un prix sur le march&eacute; secondaire du PE &agrave; tel point que deux transactions ayant le m&ecirc;me discount ou le m&ecirc;me premium peuvent renfermer des r&eacute;alit&eacute;s bien diff&eacute;rentes. 1 Source : Greenhill Cogent. 2 T. Jenkinson, M. Sousa et R. Stucke, &laquo; How Fair are the Valuations of Private Equity Funds ? &raquo;, 2013. 3 Source : Palico. 4 Setter Capital, Volume Report FY 2019.

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