Exposition aux produits toxiques : un phénomène surestimé

Dans quelles circonstances les collectivit&eacute;s locales sont-elles autoris&eacute;es &agrave; recourir &agrave; l&rsquo;emprunt ? Les collectivit&eacute;s peuvent se financer par la voie de l&rsquo;emprunt &agrave; condition que celui-ci finance de l&rsquo;investissement. Elles ne sont th&eacute;oriquement pas autoris&eacute;es &agrave; s&rsquo;endetter pour financer leur d&eacute;ficit courant ou leurs d&eacute;penses de fonctionnement. Quelles sont les cat&eacute;gories de produits bancaires que les collectivit&eacute;s souscrivent ? Des emprunts &agrave; taux fixe, qui sont des produits d&rsquo;emprunt de long terme. Des emprunts &agrave; taux variable, index&eacute;s en g&eacute;n&eacute;ral sur l&rsquo;Euribor pour la France, et mis &agrave; jour selon la p&eacute;riode de l&rsquo;Euribor consid&eacute;r&eacute;e (3 mois, 6 mois&hellip;). Les collectivit&eacute;s peuvent se couvrir contre un risque &eacute;ventuel de taux en souscrivant des swaps. Ces produits sont ma&icirc;tris&eacute;s et couverts. Des emprunts structur&eacute;s. Cette cat&eacute;gorie est n&eacute;e il y a environ 6 ans et fait parler d&rsquo;elle depuis deux ans. Ils combinent un produit d&rsquo;emprunt et un produit d&eacute;riv&eacute;, qui &agrave; l&rsquo;origine est destin&eacute; &agrave; couvrir la collectivit&eacute; contre un risque de taux, mais qui en r&eacute;alit&eacute; lui fait courir un risque sur des indices de taux ou de change qu&rsquo;elle ne ma&icirc;trise pas dans leur &eacute;volution. Quel est le fonctionnement des produits structur&eacute;s ? La technique de ces produits est simple, ce sont des produits d&eacute;riv&eacute;s qui &eacute;voluent en fonction du march&eacute;. La collectivit&eacute; doit payer une charge d&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t qui est contractuellement sp&eacute;cifi&eacute;e. Les taux propos&eacute;s au cours des premi&egrave;res ann&eacute;es du pr&ecirc;t &ndash; dite p&eacute;riode &agrave; taux fixe ou bonifi&eacute; &ndash; sont g&eacute;n&eacute;ralement bas. C&rsquo;est pourquoi les collectivit&eacute;s ont souscrit de tels produits : il est toujours int&eacute;ressant pour un &eacute;lu, au d&eacute;but ou en cours de mandature, de montrer une baisse du co&ucirc;t facial de la dette. En quoi ces produits structur&eacute;s sont-ils toxiques ? Tous les produits structur&eacute;s ne sont pas dangereux, voire &laquo; toxiques &raquo;. Dans une p&eacute;riode dite de structure ou &agrave; risque, diff&eacute;rents scenarii d&rsquo;&eacute;volution des taux peuvent exposer la collectivit&eacute; &agrave; des risques de pente ou de coefficient multiplicateur qui, sur la base de la diff&eacute;rence entre deux taux (int&eacute;r&ecirc;t et change) ou indices, vont multiplier les charges d&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t par 3,4 ; parfois m&ecirc;me 10 et au-del&agrave;. La plupart des collectivit&eacute;s ne peuvent ma&icirc;triser ces risques car d&eacute;pourvues d&rsquo;outils de pr&eacute;vision des taux ou faute d&rsquo;avoir dispos&eacute; d&rsquo;une information suffisante en la mati&egrave;re. Elles n&rsquo;ont pas pu &eacute;valuer l&rsquo;ampleur des risques pris au moment de la souscription initiale de ces produits. Elles pensaient trouver une aubaine ! Cons&eacute;quence directe d&rsquo;une gestion des risques imparfaite, ces collectivit&eacute;s n&rsquo;ont pas forc&eacute;ment la flexibilit&eacute; budg&eacute;taire ou la taille n&eacute;cessaires pour compenser les pertes subies sur ces produits, et, en particulier, pour lever des recettes suppl&eacute;mentaires. Ph&eacute;nom&egrave;ne aggravant, elles ont souvent &eacute;t&eacute; avides de ren&eacute;gocier leur encours de dette, toujours dans une logique d&rsquo;abaissement temporaire de la charge de la dette. Ces nouveaux accords ont accru la complexit&eacute; de la gestion des risques li&eacute;s &agrave; la dette, et les risques eux-m&ecirc;mes. Dans quelle mesure les collectivit&eacute;s sont-elles expos&eacute;es &agrave; de tels produits ? La litt&eacute;rature publique estime &agrave; environ 200 millions d&rsquo;euros l&rsquo;ampleur maximale, dans l&rsquo;&eacute;tat actuel des taux, que pourraient repr&eacute;senter pour une collectivit&eacute; locale identifi&eacute;e les surco&ucirc;ts financiers li&eacute;s &agrave; ces produits sur une ann&eacute;e budg&eacute;taire pleine, ce qui &eacute;quivaut aux co&ucirc;ts de construction de deux coll&egrave;ges environ. L&rsquo;encours en emprunts structur&eacute;s repr&eacute;sente actuellement environ 20 % de la dette des collectivit&eacute;s. En 2008, cette part &eacute;tait de 25 %. Les collectivit&eacute;s se sont attach&eacute;es &agrave; restructurer leur dette, pour autant qu&rsquo;elles aient pu trouver un accord avec les banques. Une bonne part de la dette reste donc &laquo; structur&eacute;e &raquo;, mais il est difficile de savoir pr&eacute;cis&eacute;ment la proportion des produits toxiques &agrave; proprement parler. Qui plus est, certaines cat&eacute;gories de produits structur&eacute;s ont un effet positif sur la r&eacute;duction des charges d&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t des collectivit&eacute;s locales : les &eacute;volutions de taux courts, lorsqu&rsquo;elles sont favorables, n&rsquo;exposeront donc, en principe, jamais une collectivit&eacute; &agrave; des charges financi&egrave;res significatives. Quelles sont les collectivit&eacute;s les plus expos&eacute;es ? D&rsquo;une mani&egrave;re g&eacute;n&eacute;rale, les grandes r&eacute;gions ne sont pas expos&eacute;es car elles sont dot&eacute;es d&rsquo;&eacute;quipes de gestion de la dette chevronn&eacute;es pour avoir, pour certaines d&rsquo;entre elles, fr&eacute;quent&eacute; les march&eacute;s financiers ou l&rsquo;ing&eacute;nierie financi&egrave;re. La Seine-Saint-Denis fait partie des collectivit&eacute;s les plus expos&eacute;es, avec plus de 90 % de son encours de dette constitu&eacute; de produits structur&eacute;s. Des villes comme Saint-Etienne, Laval, Lille essaient de d&eacute;boucler ou ren&eacute;gocier ces produits pour diminuer leur sensibilit&eacute; au risque de change. Ce sont des stocks de longue date, les produits datant des ann&eacute;es 2000. Parmi la quinzaine de collectivit&eacute;s que nous notons, la plus expos&eacute;e est une ville de taille moyenne, Aubagne. D&eacute;but 2009, la municipalit&eacute; avait un stock de dette compos&eacute; &agrave; 80 % par des produits structur&eacute;s. Ce stock s&rsquo;est abaiss&eacute; aujourd&rsquo;hui &agrave; 38 %, suite aux ren&eacute;gociations avec les banques qui avaient propos&eacute; ces produits. Comment les collectivit&eacute;s vont-elles g&eacute;rer dor&eacute;navant les risques li&eacute;s aux produits toxiques ? Elles devraient &ecirc;tre amen&eacute;es &agrave; provisionner leurs charges financi&egrave;res en tentant compte des risques induits par les produits souscrits. Jusqu&rsquo;&agrave; pr&eacute;sent, la l&eacute;gislation n&rsquo;obligeait pas les collectivit&eacute;s &agrave; le faire. C&rsquo;est toujours le cas, mais cette pratique figure dans les recommandations de la charte dite &laquo; Gissler &raquo; qu&rsquo;elles ont reconnue &agrave; l&rsquo;instigation de la Cour des comptes, et que les banques commencent &agrave; reconna&icirc;tre. Les collectivit&eacute;s peuvent &eacute;galement chercher &agrave; se d&eacute;barrasser de ces produits, en les revendant ou en restructurant leur emprunt. Si la banque y consent, ce sera moyennant une soulte, qui g&eacute;n&eacute;ralement s&rsquo;exprime en marked to market, c&rsquo;est-&agrave;-dire en calculant la diff&eacute;rence entre le co&ucirc;t auquel se n&eacute;gocie le produit au jour le jour et le co&ucirc;t des charges d&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t. C&rsquo;est &eacute;tonnant de constater ces d&eacute;rives sp&eacute;culatives en France, o&ugrave; il y a eu une volont&eacute; de vertu de la part de la puissance publique&hellip; C&rsquo;est effectivement une lacune dans la r&eacute;glementation publique, mais peut-&ecirc;tre aussi un manque de prudence de la part des collectivit&eacute;s, qui n&rsquo;ont pas pouss&eacute; leur r&eacute;flexion sur le tr&egrave;s long terme, aux implications d&rsquo;une inversion des pentes de taux longs par rapport aux taux courts comme cela s&rsquo;est produit en 2008 et 2009. Cela ne s&rsquo;&eacute;tait jamais produit il y a dix ans, au moment o&ugrave; elles ont d&eacute;cid&eacute; de souscrire ces produits. Elles pensaient avoir une visibilit&eacute; suffisante&hellip; &Agrave; cela s&rsquo;est ajout&eacute;e la crise du cr&eacute;dit qui a entra&icirc;n&eacute; une baisse de l&rsquo;offre bancaire, alors que les collectivit&eacute;s ont des besoins de financement assez soutenus. On estime &agrave; environ 9 milliards d&rsquo;euros le montant net des emprunts souscrits par les collectivit&eacute;s en 2009. C&rsquo;est la diff&eacute;rence entre les nouveaux emprunts et les remboursements d&rsquo;emprunts, ce qui est important par rapport &agrave; une dette totale des administrations publiques locales (Apul) de 156,8 milliards d&rsquo;euros &agrave; fin 2009. Sur quels produits financiers la demande va-t-elle porter ? M&ecirc;me si les collectivit&eacute;s continuent &agrave; &ecirc;tre demandeuses d&rsquo;offres bancaires, les produits d&rsquo;emprunts vont certainement &ecirc;tre souscrits avec une plus grande circonspection. Le choix des collectivit&eacute;s se portera certainement davantage sur des produits plain vanilla ou des produits d&eacute;sinterm&eacute;di&eacute;s sur le march&eacute; des capitaux (obligations, EMTN), pour celles qui peuvent le faire. En 2010, va-t-il y avoir une volont&eacute; de r&eacute;duire l&rsquo;endettement ? Nous ne le pr&eacute;voyons pas, du fait de la baisse de la flexibilit&eacute; fiscale des collectivit&eacute;s et de l&rsquo;importance de leur budget d&rsquo;investissement. 75 % de la d&eacute;pense publique est concentr&eacute;e au sein des collectivit&eacute;s locales ! De plus, &agrave; la suite de p&eacute;riodes &eacute;lectorales comme les &eacute;lections r&eacute;gionales, un nouveau cycle d&rsquo;investissements lourds devrait voir le jour. Ce ne sont pas forc&eacute;ment des investissements &agrave; bl&acirc;mer, car les collectivit&eacute;s sont des donneurs d&rsquo;ordre pour des d&eacute;penses d&rsquo;investissement structurants &eacute;conomiquement. Elles ont &eacute;galement particip&eacute; aux efforts dans le cadre du plan de relance en mati&egrave;re d&rsquo;investissement. Elles doivent financer des infrastructures comme les TER, les coll&egrave;ges et les lyc&eacute;es&hellip;

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