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Un recours des entreprises à l’endettement toujours marqué

Créé le

18.12.2019

Le recours des entreprises à la dette est stimulé par des conditions de financement très attractives. Mais ce n'est pas la seule raison.

La croissance de l’encours de crédits aux sociétés non financières est très soutenue et accélère en 2019 par rapport aux années précédentes. Elle atteint 6,4 % sur un an en octobre après avoir culminé à 7,2 % sur un an en juillet-août (après 6,1 % fin 2018). Globalement, l’endettement global des sociétés non financières reste sur une dynamique marquée, 6,2 % sur un an en octobre (après 5,8 % fin 2018). Il est mesuré comme la somme des crédits bancaires (auprès des établissements de crédits résidents) et des titres de marché émis par les sociétés.

Une légère inflexion en 2019

Ceci conduit à une nouvelle hausse du taux d’endettement des sociétés non financières. Rapporté à la valeur ajoutée, il a atteint 135 % mi-2019, à comparer à 107 % début 2009. Ce ratio est beaucoup plus élevé pour les grandes entreprises que pour les PME et s’est nettement accru depuis dix ans. Celui des PME est en revanche resté assez stable sur cette période. Cette évolution est spécifique à la France, tandis que l’endettement des entreprises se stabilise à un niveau assez bas en Allemagne et se réduit en Italie ou en Espagne.

L’année 2019 marque toutefois une légère inflexion. Au cours des années récentes, les titres de marché progressaient plus rapidement que les crédits. Cette année, l’encours de crédit est en hausse très marquée, 6,7 % sur un an en moyenne sur les dix premiers mois. L’encours de titres, qui est très volatil, connaît une évolution plus mesurée, 5,2 % en moyenne sur les dix premiers mois, alors même que le coût de financement est plus faible, 0,8 % en octobre contre 1,3 % pour les crédits. Ces titres sont en grande partie émis par les grandes entreprises, qui ont un peu modéré leur recours à la dette. En effet, la BCE a nettement réduit ses achats de titres dans le cadre de son Quantitative easing (QE) (achats nets nuls depuis janvier 2019). Toutefois, les émissions sont reparties à la hausse depuis août. La BCE a annoncé en septembre une reprise de son programme d’achats nets d’actifs et les niveaux très bas, voire négatifs, des obligations d’État ravivent l’intérêt des investisseurs pour les titres « corporate ».

Des niveaux de profits insuffisants

Le recours des entreprises à la dette est évidemment stimulé par des conditions de financement très attractives. Il s’explique en général par le besoin de financement des entreprises. En France, les niveaux des profits sont en effet la plupart du temps insuffisants pour couvrir les dépenses d’investissement et de stocks. Le niveau du besoin de financement avoisine 12 milliards par an depuis 2006 et a atteint 9 milliards en 2018. En 2019 toutefois, les entreprises sont en capacité de financement, à hauteur de 3 milliards environ. Les profits devraient en effet rebondir de 9 %, sous l’effet principalement de la bascule CICE/baisse de charges qui permet un gain temporaire de l’ordre de 20 milliards. Cette hausse des profits est plus forte que celle des dépenses d’investissement et de stocks, même si celles-ci restent dynamiques, compte tenu d’un taux d’utilisation des capacités de production élevé et de taux d’intérêt très bas.

Le recours à la dette s’explique donc par d’autres facteurs. D’abord, l’accumulation d’un coussin de trésorerie, destiné à constituer une épargne de précaution et à se préparer à des opportunités d’investissement. Ensuite, la poursuite d’acquisitions d’actions, de participations, d’investissements directs à l’étranger. En 2018, la dette a ainsi permis de financer des flux importants d’acquisitions d’actions et participations, de la part notamment des grandes entreprises.

Vers une modération de la dette

En 2020, le recours à la dette restera élevé mais pourrait se modérer légèrement. D’abord, les dépenses d’investissement des entreprises connaissent une progression ininterrompue depuis 2015, de près de 4 % en volume par an. Elles devraient donc ralentir à partir de 2020, ce qui pèserait sur la demande de crédit des PME. Ensuite, les émissions de titres sont très volatiles et on ne peut pas exclure un freinage de ces émissions, compte tenu des multiples incertitudes internationales qui pourraient peser sur les marchés : guerre commerciale, ralentissement de l’économie chinoise, Brexit, etc. En sens inverse, les profits ralentiront, avec la disparition de l’effet bascule CICE/baisse de charges, et les taux d’intérêt et de crédit demeureront très bas.

L’encours de dette des sociétés non financières freinerait ainsi modérément vers 5,5 % fin 2020, avec une hausse de l’encours de titres ramenée à 4,5 % et un léger ralentissement du crédit à 6,2 %.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº839