En 1863, Jules Verne voyait l'immobilier parisien du XXe siècle entre les mains de foncières cotées en Bourse. L'histoire de la pierre-papier a été plus chahutée que cela au siècle dernier mais l'intuition du romancier reste très intéressante.
Dans son livre Paris au XXe siècle, écrit en 1863 et imaginant la société des années 1960, Jules Vernes voyait Paris, mais aussi les villes de Lyon, Marseille, Bordeaux, Nantes, Strasbourg et Lille, comme ayant été peu à peu reconstruites par des Foncières cotées en Bourse. Celles-ci étaient donc « propriétaires des principales villes de France » et distribuaient « de magnifiques dividendes ». L'ouvrage fourmille d’intuitions fascinantes, des plus sérieuses (comme l’adoption large de la langue anglaise et l’américanisation de la société, la transformation de la vie quotidienne par la « technique » et la puissance de la finance), aux plus anecdotiques (comme ces concerts où l’on casse des fauteuils, ce phare à l'endroit où se situe aujourd’hui la Tour Eiffel, ou encore – et le personnage qui raconte cela en est tout retourné – un monument « au beau milieu de la cour du Louvre » !).
Sur les Foncières cotées, historiquement la première composante de ce qu’on appelle aujourd’hui la pierre-papier, le maître de l’anticipation s’est trompé par exagération. Son intuition est néanmoins fort intéressante.
Des cycles de dynamisme et de déclin
Les Foncières ont participé avec une grande efficacité à la transformation des villes pendant toute l’époque haussmannienne, puis ont poursuivi leur activité jusqu’à la Première Guerre mondiale. Elles ont alors subi le destin de la Bourse. S’il y avait près de quatorze millions d’actionnaires avant la Grande Guerre, on sait ce qu’il en est advenu. Il a fallu attendre les années 1960 pour que se réveille la « pierre en parts », comme on l’appelait à l’époque, mais dans un contexte différent et sous des formes variées :
Du début des années 1960 jusqu’à la fin des années 1980, soit sur plus de trente ans, ces différentes formules ont, au total, apporté une contribution économique significative tout en offrant à leurs actionnaires ou associés un système d’accès à l’investissement immobilier dont les performances ont été plutôt remarquables. Mais l’histoire de ces différentes formules semblait s’arrêter là, ou du moins retomber dans un profond sommeil : disparition progressive des statuts SII et SICOMI, ces sociétés redevenant de simples Foncières, gestion des patrimoines construits ou acquis, mais pas de nouvelle croissance. C’était sans compter avec le caractère vivace [4] de la pierre-papier, qui explique peut-être l’intuition originale de Jules Verne.
Le printemps des années 2000
« Aide-toi, le ciel t’aidera » semble avoir été le principe de succès des deux formes d’immobilier indirect qu’étaient les Foncières et les SCPI au début des années 2000.
De plus, la pierre-papier s’est enrichie, depuis 2007, d’un troisième produit, l’OPCI [8] dit « grand public ». Pour faire simple, c’est le moule de l’OPCVM [9], mais avec une détention d’immeubles. Dans la pratique, la partie « immobilière » est de 60 %, le reste étant composé de valeurs mobilières et de liquidités.
Et l’avenir ?
SIIC, SCPI, OPCI : la gamme des formules – nous ne nous étendrons pas ici sur les intérêts respectifs des unes et des autres – est aujourd’hui suffisamment riche pour permettre une croissance fondée sur une réponse appropriée aux besoins des investisseurs privés. La pierre-papier représente à ce jour près de 140 milliards d’euros de patrimoine immobilier [10]. La propriété mutualisée offre des avantages indéniables pour l’investisseur en matière de délégation de gestion, de diversification des risques, de souplesse à la revente, mais aussi de régulation et de transparence. Elle présente pour l’économie et la qualité de son métabolisme immobilier l’immense avantage de structures dédiées, qui peuvent injecter à grande échelle du professionnalisme dans le marché immobilier.
La pente la plus naturelle n’est-elle pas désormais celle de la croissance ? Peut-être Jules Verne s’est-il seulement trompé d’un siècle…
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