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L’assurance vie, levier essentiel du financement de l’économie

Créé le

09.04.2014

-

Mis à jour le

25.04.2014

Par-delà l’évitable instabilité fiscale et les inévitables « sautes d’humeur », le succès de l’assurance vie reste un point fixe du paysage financier en France. Tant mieux, à de nombreux égards. À fin septembre 2013, l’assurance vie représentait un encours de 1 520 milliards d’euros, soit 38 % du patrimoine financier des ménages.

L'engouement des Français pour l'assurance vie tient à la fois à des arguments positifs et à des raisons négatives. Vu les rendements affichés qui varient selon la nature du véhicule mais qui restent attractifs en termes réels et vu ce qui reste d’avantages fiscaux, l’attrait pour l’assurance vie ne relève pas d’une illusion financière ou fiscale. Évoquer des raisons négatives, c’est suggérer également le succès par défaut : l’assurance vie fonctionne aussi comme un substitut imparfait à des fonds de pension qui n’existent pas en France à quelques exceptions près, et qui ne sont pas près d’y être introduits…

Même si l’instabilité fiscale semble malheureusement difficile à dissiper dans notre pays, le contexte macro-économique de 2014-2015 devrait rester favorable à l’assurance vie. D’abord, le taux d’épargne des Français, élevé (un peu plus de 15 %) en comparaison de nos voisins européens, va le rester malgré ou plutôt à cause de la dureté des temps. Car le risque chômage pousse au gonflement des épargnes de précaution tandis que le risque sur les retraites favorise la formation d’une épargne plus stable. Certes, l’épargne financière ne représente que 40 % de l’épargne totale des ménages, concurrencée qu’elle est par l’immobilier, mais elle a montré une assez grande inertie dans son niveau et même dans sa structure face à la crise.

Une dynamique favorable aux taux longs

Ensuite, la dynamique des taux va être plutôt favorable aux placements longs : maintien des taux directeurs des banques centrales des pays avancés à des niveaux proches de zéro en 2014 et pour une partie de 2015, probable poursuite de la remontée des taux longs américains avec une propagation amortie (par la force de l’euro) mais réelle sur les taux longs européens. Le recul significatif – et par ailleurs dangereux – de l’inflation a recréé des taux réels positifs, et l’écart entre taux longs et taux courts devrait atténuer la préférence pour la liquidité des plus frileux.

La France affiche une épargne des ménages suffisante. Son défi relève plus de la qualité de l’épargne et de la « tuyauterie » : comment attirer une proportion accrue de ces 15% pour financer l’investissement productif, l’essor des PME, le développement durable ? L’assurance vie peut et doit y aider, même si elle n’y suffira pas. Depuis des années, tout pousse les sociétés d’assurance vers les placements obligataires : la protection contre les risques, la recherche d’une bonne congruence entre ressources et emplois, la fiscalité… Par son dispositif de pondération des risques, la directive Solvabilité 2 va accentuer la réticence vis-à-vis des actions.

Parler de croisée des chemins pour l’assurance vie, cela veut dire effectivement « digérer » Solvabilité 2. Le texte a été amélioré en novembre dernier. Mais de nombreux aspects font encore débat, qu’il s’agisse de la pondération concrète des risques, de l’application parfois déraisonnable de la « fair value », de l’impact pro-cyclique (c’est-à-dire déstabilisant) de certaines mesures. Il faudra que nos sociétés d’assurance prennent la mesure de redoutables défis concurrentiels, vis-à-vis des fonds de pension non concernés par Solvabilité 2, mais aussi face aux assureurs non européens non soumis à une réglementation équivalente. Alors que pour les banques Bâle III se veut mondial, à quand la mise en place d’un Comité de Bâle pour les assurances qui permettrait de rapprocher les règles du jeu entre les grandes zones du monde?

France : le défi des placements longs

Du côté français, l’introduction du contrat euro-croissance suscite des attentes contrastées. Encore faudrait-il en fixer très vite les règles du jeu. Prendre comme objectif d’attirer à l’horizon des cinq prochaines années, via le contrat euro-croissance et éventuellement quelques autres véhicules attractifs, ne serait-ce que 10 % de l’encours actuel de l’assurance vie, soit 150 milliards d’euros, pour venir financer les PME et les ETI aurait du sens et une grande portée. Cela viendrait doper les canaux déjà mis en place, qu’il s’agisse de BPI France, du PEA PME, de la nécessaire relance du private equity ou des mesures pour attirer plus de PME en Bourse (comme la création d’Enternext). Il y aurait là une réponse partielle mais salutaire à un défi majeur : comment développer les financements longs de l’économie réelle dans le contexte de Bâle III et de Solvabilité 2, et quelle complémentarité rechercher, à la veille d’une nouvelle phase de désintermédiation et de titrisation, entre les financements intermédiés (par les assureurs, les banques…) et les financements de marché ?

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº772