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JORF n° 0192 du 21 août 2015

Rapport au Président de la République relatif à l’ordonnance n° 2015-1033 du 20 août 2015 relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation

Créé le

04.12.2015

-

Mis à jour le

04.01.2016

 

 

 

Monsieur le Président de la République,

 

La présente ordonnance a pour objet de transposer en droit national la directive 2013/11/UE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2013 relative au règlement extrajudiciaire des litiges de consommation.

Cette ordonnance est prise en application de l’article 15 de la loi n° 2014-1662 du 30 décembre 2014 portant diverses dispositions d’adaptation de la législation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière qui habilite le Gouvernement à légiférer par voie d’ordonnance pour transposer cette directive dans le délai imparti, soit le 9 juillet 2015, au plus tard.

L’objet de la directive 2013/11/UE concerne la résolution, par des moyens extrajudiciaires, des litiges entre professionnels et consommateurs résultant de contrats de vente de marchandises ou de fourniture de services. A cet effet, le présent texte poursuit quatre objectifs principaux :

  • la couverture de tous les secteurs professionnels par des mécanismes de résolution extrajudiciaire des litiges de consommation ;
  • la garantie de procédures répondant à des exigences de qualité en termes d’accessibilité, de compétence, d’impartialité, de transparence, d’efficacité et d’équité ;
  • une évaluation stricte par une ou des autorités publiques des conditions dans lesquelles les dispositifs de règlement extrajudiciaire des litiges de consommation fonctionnent. Ces autorités sont, par ailleurs, chargées de notifier à la Commission européenne une liste des entités chargées du règlement extrajudiciaire des litiges de consommation ;
  • une information et une assistance des consommateurs leur permettant d’accéder de manière effective à ces procédures.
La directive est fondée sur le principe de subsidiarité et s’appuie sur les mécanismes de règlement extrajudiciaire des litiges de consommation existants dans les Etats membres.

Pour la France, il s’agit des procédures de médiation.

Au regard de la multiplicité des secteurs professionnels concernés et aux fins de préparer au mieux la mise en œuvre de la directive 2013/11/UE, le Gouvernement a organisé une très large concertation associant tous les acteurs intéressés (associations de consommateurs, organisations professionnelles, organismes consulaires, autorités administratives indépendantes, médiateurs en exercice).

Ce travail de concertation s’est tout d’abord matérialisé par la mise en place, dès l’automne 2013, d’un groupe de travail présidé par M. Emmanuel CONSTANS, médiateur des ministères économique et financier, et composé de médiateurs, de représentants des fédérations professionnelles et d’associations de consommateurs.

A l’issue de ses travaux et à la suite de plusieurs auditions de différents acteurs de la médiation dans le domaine de la consommation, le groupe de travail a rendu au mois d’avril 2014 un rapport dans lequel figurent 13 recommandations relatives à la généralisation de la médiation à tous les secteurs de la consommation, aux conditions d’accès et à la gratuité de la médiation ainsi qu’à l’évaluation des médiateurs.

Par ailleurs, lors de l’examen par le Parlement du projet de loi portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière économique et financière dont l’article 15 habilite le Gouvernement à procéder à la transposition, par ordonnance, de la directive 2013/11/UE, le Gouvernement, par souci de transparence, s’est engagé auprès de la représentation nationale à mettre en place un comité de pilotage pour assurer le suivi de cette transposition.

Ce comité de pilotage était présidé par M. Christophe CARESCHE, député, rapporteur à l’Assemblée nationale du projet de loi précité et composé de représentants d’associations nationales agréées de consommateurs et de représentants d’organisations professionnelles. A l’issue de ses travaux, le président du comité de pilotage a remis à la secrétaire d’Etat chargée de la consommation des propositions rédactionnelles à partir desquelles la présente ordonnance a été rédigée.

L’article 1er introduit un titre V dans le livre Ier du code de la consommation intitulé « Médiation des litiges de consommation ». Ce dispositif est en parfaite cohérence avec les dispositions de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 relative à l’organisation des juridictions et à la procédure civile, pénale et administrative consacrées à la médiation conventionnelle et qui résultent de la transposition en droit interne de la directive 2008/52/CE du Parlement européen et du Conseil du 21 mai 2008 sur certains aspects de la médiation en matière civile et commerciale.

Le chapitre Ier est consacré aux définitions et au champ d’application du dispositif. Ainsi, à l’article L. 151-1, la médiation de la consommation s’entend d’un processus de médiation conventionnelle au sens de l’article 21 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 précitée.

L’article L. 151-2 réserve la médiation de la consommation à l’ensemble des litiges nationaux ou transfrontaliers opposant consommateurs et professionnels.

L’article L. 151-3 reprend l’ensemble des exclusions contenues dans la directive 2013/11/UE, en particulier les litiges entre professionnels.

Conformément à la directive 2013/11/UE, l’article L. 151-4 ne retient pas comme litiges de consommation ceux portant sur des services d’intérêt général non économique, l’enseignement supérieur et les services de santé.

Le chapitre II est consacré aux conditions dans lesquelles le processus de médiation est mis en œuvre. L’article L. 152-1 oblige les professionnels à permettre à chaque consommateur de pouvoir recourir à un dispositif de médiation. Il est apparu au Gouvernement que ce principe devait être clairement acté, car il constitue une condition indispensable pour rendre effective la généralisation de la médiation voulue par la directive 2013/11/UE.

Deux voies sont possibles : une médiation relative à un domaine d’activité économique déterminé et à laquelle le professionnel doit toujours permettre au consommateur d’accéder lorsqu’elle existe, et une médiation mise en place par le professionnel.

L’article L. 152-1 consacre le principe de la gratuité de la médiation pour le consommateur. Ce principe a été clairement posé en France, notamment par les deux avis du Conseil national de la consommation concernant les modes alternatifs de règlement des litiges de consommation et constamment mis en œuvre depuis, qu’il s’agisse de médiation sectorielle ou d’entreprise. Cette gratuité ne doit pas occulter, toutefois, le fait que la médiation à un coût réel pour le professionnel qui met en place un tel mécanisme pour la résolution des litiges de consommation ou participe au financement d’un service de médiation offert aux consommateurs.

Cet article précise également les différents types de médiation auxquels le consommateur peut recourir (médiation sectorielle, médiation d’entreprise ou médiation résiduelle).

L’article L. 152-2 énumère les hypothèses dans lesquelles un litige ne peut être examiné par le médiateur de la consommation, en particulier, dans le cas où le consommateur ne justifie pas avoir préalablement saisi le professionnel d’une réclamation écrite. Ce principe est un préalable indispensable à la recevabilité d’une demande de médiation.

L’article L. 152-3 dispose que la médiation est soumise à l’obligation de confidentialité prévue par l’article 21-3 de la loi n° 95-125 du 8 février 1995 susvisée. Le Gouvernement a choisi de réaffirmer ce principe s’agissant de la médiation de la consommation, car il est au cœur du processus de médiation en interdisant la divulgation à des tiers des constatations ou déclarations recueillies au cours du processus de médiation.

L’article L. 152-4 prévoit que le processus de médiation reste un processus volontaire en interdisant toute clause ou convention obligeant le consommateur à recourir obligatoirement à un processus de médiation.

L’article L. 152-5 attribue une compétence de principe au médiateur public, lorsqu’il existe, pour examiner les litiges relevant d’un secteur professionnel déterminé, conformément à la mission que lui confie la loi. Il permet, cependant, en cas de compétence concurrente avec d’autres médiateurs conventionnels dans un domaine d’activité donné, qu’une convention puisse être conclue entre ces derniers et le médiateur public, afin d’organiser une coopération entre eux et de répartir les litiges à traiter. Cette convention devra être alors notifiée à la commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation.

Le chapitre III est consacré à la qualité de médiateur de la consommation. L’article L. 153-1 rappelle les exigences de diligence, de compétence, d’indépendance et d’impartialité qui s’imposent à tout médiateur dans l’exercice de sa mission, conformément à la loi n° 95-125 du 8 février 1995, et reprend les critères qualitatifs prévus par la directive 2013/11/UE que doit respecter tout médiateur de la consommation.

Les médiateurs de la consommation sont nommés pour une durée de trois ans. Ils ne doivent pas recevoir d’instructions de l’une des parties ou de leurs représentants. Leur rémunération est indépendante du résultat de la médiation.

L’article L. 153-2 est consacré aux critères qualitatifs additionnels qui s’appliquent au médiateur d’entreprise, afin de garantir son indépendance, conformément à ce que prévoit la directive 2013/11/UE. L’article L. 153-3 est dédié, quant à lui, aux critères qualitatifs propres à la médiation organisée par une fédération professionnelle.

Le chapitre IV est relatif aux obligations de communication des médiateurs de la consommation. L’article L. 154-1 a pour objectif d’assurer aux consommateurs une information préalable en obligeant le médiateur à proposer sur un site internet dédié des informations relatives à la procédure de médiation et à permettre aux consommateurs de déposer une demande en ligne accompagnée des documents justificatifs. Il doit également mettre en ligne son rapport annuel.

Outre le contenu de son rapport annuel, la liste des informations communiquées par le médiateur est fixée par un décret pris en Conseil d’Etat. Il en est de même, en application de l’article L. 154-2, pour les informations que doit communiquer le médiateur à la commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation, tant pour être notifié à la Commission européenne que pour l’évaluation de son activité.

Le chapitre V est consacré à la commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation. Créée par l’article L. 155-1, cette commission est composée d’un conseiller d’Etat, d’un conseiller à la Cour de cassation en activité ou honoraire, de personnalités qualifiées, de représentants d’associations de consommateurs agréées au plan national et de représentants d’organisations professionnelles.

En application de l’article L. 155-2, cette commission est, au sens de la directive 2013/11/UE, l’autorité nationale compétente chargée d’établir la liste des médiateurs satisfaisant aux conditions requises et de les notifier à la Commission européenne. Elle est également chargée d’évaluer l’activité des médiateurs et peut, comme le prévoit l’article L. 155-3, retirer, le cas échéant, de la liste des médiateurs notifiés celui qui ne respecte plus les exigences légales auxquelles il est assujetti.

L’article L. 155-4 précise les conditions de saisine de l’autorité d’évaluation et de contrôle de la médiation.

L’article L. 155-5 autorise la commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation à faire appel à des rapporteurs appartenant aux services de l’Etat pour l’instruction des dossiers des médiateurs de la consommation et leur évaluation et, également, aux mêmes fins, à saisir pour avis, les autorités publiques indépendantes et les autorités administratives indépendantes dans leur domaine de compétence.

La composition, l’organisation, les moyens et modalités de fonctionnement de cette commission sont précisés par un décret pris en Conseil d’Etat, en application de l’article L. 155-6.

Le chapitre VI concerne l’information et l’assistance du consommateur en vue de faciliter son recours à une procédure de médiation. L’article L. 156-1 concerne l’obligation faite au professionnel d’informer les consommateurs sur l’existence d’une procédure de médiation.

L’article L. 156-2 oblige le professionnel exerçant une activité de commerce électronique à s’adapter à la procédure de résolution en ligne des litiges de consommation prévue par le règlement communautaire n° 524/2013 du 21 mai 2013 relatif au règlement en ligne des litiges de consommation.

Tout manquement à aux articles L. 156-1 et L. 156-2 est puni d’une amende administrative en application de l’article L. 156-3.

L’article L. 156-4 prévoit des mesures d’assistance du consommateur en cas de litige transfrontalier qui sont fixées par voie réglementaire.

Enfin, le chapitre VII est consacré aux aménagements nécessaires à l’outre-mer.

L’article 2 de la présente ordonnance adapte les dispositions du code monétaire et financier afin de permettre à la médiation bancaire de respecter les conditions fixées par la directive 2013/11/UE. Il prévoit une coopération entre l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et la commission d’évaluation et de contrôle de la médiation de la consommation pour la désignation et l’évaluation des médiateurs bancaires. Il précise les conditions de désignation du médiateur de l’autorité des marchés financiers, la durée de son mandat et les conditions d’exercice de sa mission de médiation de la consommation dans le respect des conditions prévues par la directive 2013/11/UE. Il contient, enfin, des mesures d’adaptation à l’outre-mer.

Les articles 3, 4, 5 et 6 aménagent des dispositions, respectivement, du code des assurances, du code de la sécurité sociale, du code de la mutualité et du code de l’énergie, afin que les procédures de médiation mises en œuvre dans ces secteurs se conforment aux exigences de la directive 2013/11/UE.

L’article 7 accorde un délai de deux mois aux professionnels à compter de la publication du décret d’application de l’ordonnance pour se conformer à ce nouveau dispositif.

Tel est l’objet de la présente ordonnance que nous avons l’honneur de soumettre à votre approbation.

Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’assurance de notre profond respect.

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À retrouver dans la revue
Banque et Droit NºHS-2015-2
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