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Assurance emprunteur

Questionnaire de santé: l'arbre qui cache la forêt ?

Créé le

25.11.2021

Cette étape obligée vers le crédit immobilier est-elle condamnée ? Le questionnaire de santé fait depuis quelques semaines l’objet de débats agités, chez les professionnels comme au Parlement. Où un autre sujet sensible, mais moins médiatique, est aussi discuté : la résiliation infra-annuelle de l’assurance emprunteur.

La première attaque est venue le 9 novembre de Nicolas Théry, le président du Crédit Mutuel (et de la Fédération bancaire française, actionnaire de Revue Banque) ; la seconde est partie des rangs du Sénat, qui, sous l’impulsion de la présidente LR de la Commission des Affaires sociales, Catherine Deroche, s’est prononcé quelques jours plus tard, dans le cadre de l’examen en première lecture du projet de loi de finance 2022, en faveur de contrats d’assurance emprunteur (prêts immobiliers et professionnels) sans sélection médicale. Déposé contre l’avis du gouvernement, l’amendement ne verra probablement jamais le jour. Mais le temps du fameux « questionnaire de santé » est peut-être compté.

Au Crédit Mutuel, sa disparition est déjà une réalité, sous conditions : elle concerne les clients « fidèles » de moins de 62 ans, dont les comptes sont domiciliés dans la banque depuis au moins sept ans, qui empruntent à hauteur de 500 000 euros maximum (1 million d’euros pour un couple), pour l’achat exclusif d’une résidence principale. Elle n’en est pas moins un coin enfoncé dans une pratique que d’aucuns pensaient immuable. Le Crédit Mutuel estime qu’elle va lui coûter 70 millions d’euros par an de primes évaporées.

Ces deux annonces interviennent alors qu’est de nouveau discutée par les députés une autre mesure contestée par… le Crédit Mutuel notamment, mais aussi par le secteur bancaire, qui rappelle la fonction de mutualisation des risques du système actuel : la résiliation infra-annuelle de l’assurance emprunteur (RIA), qui réjouit autant les assureurs et les clients qu’elle embarrasse les banques. Le Conseil constitutionnel qui, l’an dernier, censurait ce qu’il considérait comme un « cavalier législatif » sans lien avec la loi d’accélération et de simplification de la vie publique (ASAP) auquel il était rattaché, puis le Parlement, qui a d’abord rejeté un amendement en ce sens en octobre dernier, semblaient avoir enterré le projet. Il revient par l’intermédiaire de l’élue de Seine-et-Marne Patricia Lemoine, dont la proposition de loi sur la « création d’un droit de résiliation à tout moment de l’assurance emprunteur » a convaincu la Commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale.

Ce texte est né d’un constat : malgré les lois Lagarde et Hamon, qui visaient à le libéraliser, et en raison de l’amendement Bourquin (qui, en 2018, a imposé une date anniversaire de résiliation) comme d’une insuffisante information du consommateur, 88 % du marché de l’assurance emprunteur sont encore accaparés par les bancassureurs. En autorisant les emprunteurs immobiliers à changer d’assureur à tout moment et sans frais, le législateur entend donc faire bouger les lignes. L’enjeu est considérable : un marché estimé à près de 7 milliards d’euros de primes par an, que les assureurs entendent bien disputer aux banquiers. Le sujet est tellement sensible que Bruno Lemaire, ministre de l’Économie, des Finances et de la Relance, s’en est ému et a demandé au Comité consultatif du secteur financier (CCSF) de trouver un consensus entre les différents acteurs concernés.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº862