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Regard

« La question du modèle économique est primordiale »

Créé le

25.01.2017

-

Mis à jour le

30.01.2017

L’ancien Chief Digital Officer de la SNCF, récemment recruté par BPCE, livre son regard sur le mouvement d’ouverture des API. Une expérience qu’il a déjà vécue dans d’autres secteurs d’activité et qu’il faut selon lui accueillir positivement, mais sans naïveté.

Le concept d’open banking et le développement des API correspondent-ils à un changement de paradigme pour le secteur bancaire ?

L’arrivée des API est toujours une évolution majeure, quel que soit le secteur. Je l’ai vécu dans les télécoms, le tourisme et le transport. Développées en interne, elles permettent de construire des architectures informatiques plus réparties et modulaires, avec des équipes en charge du développement des applications (interfaces utilisateurs…) plus indépendantes du système d’information historique, dit « legacy ». Le SI de BPCE a ainsi massivement recours à des API internes.

Pouvez-vous citer un exemple d’API dans le secteur des transports ?

Lorsque j’étais en charge du digital à la SNCF, nous avions ouvert une API pour accéder en temps réel aux informations sur les horaires des trains. Face à des données perpétuellement changeantes, l’utilisation d’une API était indispensable. Des développeurs, au sens large, ont pu utiliser ces données pour leurs applications. Les API permettent en effet à des mondes qui ne se connaissent pas nécessairement de travailler les uns avec les autres. Par exemple dans mon cas, le secteur immobilier, qui utilisait ces données pour présenter la ponctualité des trains à proximité des logements à vendre.

Avec la DSP 2, il est question d’ouvrir les API bancaires. En quoi cela change-t-il la donne pour le secteur ?

C’est une évolution importante et positive qu’il est essentiel d’accompagner. L’utilisation de ces API, qui ne concerne que les comptes de paiement, devra se faire suivant des règles claires de protection de la vie privée et de vérification de la légalité des usages. Il faudra s’assurer de cette conformité par rapport au droit existant mais aussi à ses évolutions possibles. L’une des difficultés du digital est en effet que les technologies évoluent toujours plus vite que le droit. Il est également essentiel de mutualiser les réflexions au niveau de la profession, comme cela se fait au sein du groupe Digital de la FBF. Il faudra s’assurer que nous avons une approche collective sur les questions technologiques et réglementaires. Sans homogénéité des API, il sera difficile d’obtenir un écosystème digital dont il sera possible de tirer des bénéfices.

Qui pourrait utiliser ces API ?

C’est une erreur de penser que seules les FinTechs utiliseront les données rendues accessibles par les API. L’ouverture sera plus globale et je sais d’expérience qu’il est impossible d’anticiper quels acteurs en feront, au final, un usage efficace. Pour reprendre l’exemple du transport, je m’attendais à ce que ce soit des calculateurs de trajets qui s’en emparent alors que ce sont d’autres secteurs d’activité, comme l’immobilier, qui les ont utilisées.

L’ouverture de ces API peut-elle être vue comme une nouvelle source de revenus pour les banques ?

La question du modèle économique est primordiale. Il ne faut pas être naïf : ouvrir des API à des acteurs extérieurs a un coût, en particulier pour assurer une bonne qualité de service comme nous entendons le faire. Ce coût dépend de l’architecture informatique existante de chaque banque, de la nécessité de refondre les bases de données et de mettre à niveau les systèmes pour faire face à la charge des requêtes des tiers. C’est un sujet à discuter au sein de la profession et avec le régulateur. C’est aussi un enjeu pour les utilisateurs de ces API qui ont besoin d’un service irréprochable pour faire fonctionner leurs applications dans la durée. La question du coût doit donc être un point de vigilance absolue qu’il convient de mettre davantage en avant.

La DSP2 ne prévoit pourtant pas de contractualisation possible avec les tiers qui voudront accéder aux données…

Il faut voir au-delà de l’ouverture elle-même et réfléchir à la manière dont ces API seront utilisées dans la vraie vie. Quel business pourront-elles générer ? Amélioreront-elles la vie des consommateurs et, si oui, comment ? Autant de questions sur lesquelles nous devons nous projeter : ce n’est pas le texte de loi qui nous donnera les réponses. L’idée n’étant pas d’être sur la défensive mais bien de construire un modèle économique industriellement viable et positif pour le consommateur.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº805