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Médiation

« La majorité du public ignore les principes de base de fonctionnement des banques »

Créé le

18.07.2013

-

Mis à jour le

13.03.2015

À l’occasion de la remise de son rapport d’activité 2012, Paul Loridant, médiateur auprès de la Fédération Bancaire Française (FBF), fait un état des lieux de la médiation bancaire. Ce dispositif encore peu utilisé par les consommateurs enregistre une tendance haussière continue.

Alors qu'il existe 80 millions [1] de comptes bancaires en France, vous avez reçu 2 545 courriers en 2012… comment expliquez-vous ce décalage ?

Je ne considère pas ce chiffre faible, car le système de médiation de la FBF est spécifique. Il s’agit d’une médiation pour « compte commun », qui rassemble des établissements de taille modeste, d’origine française ou étrangère. Les grands groupes bancaires ont leur propre système de médiation. Ainsi, les chiffres de la médiation pour « compte propre » recensés par le Comité de la médiation bancaire, l’organe chargé de préciser les modalités d'exercice de l'activité des médiateurs, sont bien plus élevés : plus de 34 500 réclamations en 2011.

Par ailleurs, la procédure auprès du médiateur de la FBF se fait par écrit, ce qui peut freiner sa saisine. D’autre part, le recours au médiateur de la FBF n’arrive que si aucun accord n’a été trouvé avec la banque concernée.

Cependant, le nombre de courriers que vous recevez est en nette progression. La médiation se développerait-elle ?

En effet, les chiffres de la médiation sont en augmentation continuelle d'année en année. Je pense que ce sont les répercussions de la crise économique et financière, les clients se montrant plus attentifs aux commissions et prestations facturées. De plus, ils prennent davantage conscience de l’existence du dispositif de médiation. Même si la loi [2] oblige les banques à mentionner l’existence de la médiation et ses modalités d’accès sur la convention de compte de dépôt et sur les relevés de compte, nous demandons aux établissements de délivrer à leurs clients une information annuelle supplémentaire sur ce point.

De plus, nous avons également enregistré une hausse des demandes de médiation suite à l’adhésion de cinq caisses d’épargne, fin 2011, des banques avec une clientèle importante, ce qui a généré beaucoup de dossiers.

Par ailleurs, je suis également le médiateur auprès de la FBF de la plupart des banques en ligne et il est important de relever que le facteur de la distance ainsi que l’absence de conseillers dédiés rendent difficile la communication dès lors qu’un désaccord pointe entre ces établissements et leurs clients.

Quel type de contentieux vous donne le plus de fil à retordre ?

Globalement, j’observe une tendance haussière dans les litiges relatifs aux opérations de crédit, à l’épargne et aux produits financiers, le fonctionnement des comptes de dépôt, particulièrement les opérations de paiement par carte. Ainsi le développement des achats sur Internet entraîne de nombreuses réclamations. En principe, le paiement par carte est irrévocable, mais le consommateur pense qu’il peut se faire rembourser [3] sur simple demande, à la lecture basique du Code monétaire et financier. En réalité, il n’en est rien : le remboursement immédiat de paiements frauduleux par carte bancaire est une vue de l’esprit ! Le paiement par carte bancaire ou en ligne est le résultat d’opérations triangulaires entre le client-acheteur, le fournisseur prestataire et leurs banques respectives. Ainsi plusieurs contrats cohabitent lors d’un paiement par carte ou en ligne : un contrat entre le client et le vendeur, le client et sa banque, la banque du vendeur et celle du client. La difficulté pour le médiateur est de déterminer si le litige qu’il doit examiner est de nature bancaire ou commercial. Il faut savoir que, malgré la réglementation, obtenir des remboursements ou des réparations reste un exercice laborieux. Malheureusement, les solutions proposées par le médiateur engendrent souvent une insatisfaction des consommateurs. Vu le progrès galopant des nouvelles technologies, une clarification des pouvoirs publics serait la bienvenue.

L’application des décisions du médiateur de la FBF n’étant pas obligatoire, comment faites-vous pour inciter les banques à les exécuter ?

La majorité des décisions du médiateur est appliquée, car la plupart des banques ont intégré la nécessité de la médiation, une procédure qui contribue à l’amélioration de leurs services. Résoudre à l’amiable un litige avec un client procède d’une démarche de qualité. Toutefois, le succès de la médiation dépend de la bonne foi des parties, le médiateur ne disposant pas de pouvoirs d’investigation. C’est en quelque sorte une procédure « parole contre parole ». Côté banque, la qualité du correspondant avec le médiateur est très importante. Si les banques ont le libre choix du correspondant, en pratique, je peux affirmer que la médiation a encore plus de chance de réussir lorsque le correspondant est le directeur qualité plutôt que le service contentieux : le rôle d’un directeur qualité consiste à chercher des solutions pour améliorer la relation client et à veiller au respect de la conformité. La médiation bancaire doit servir à définir et éviter des problèmes susceptibles de se répéter.

Pensez-vous que la nouvelle réglementation relative aux frais bancaires va entraîner une baisse des litiges sur cette question ?

La tarification reste un motif important de saisine du médiateur. Les clients comprennent difficilement ces frais qu’ils arrivent rarement à relier à une opération précise. Si le médiateur peut discuter la manière d’appliquer les frais, il n’est pas compétent pour apprécier la fixation des tarifs.

Il me semble que les plafonnements tarifaires ne sont pas injustifiés, d’autant plus lorsque le client est de bonne foi ou en situation de fragilité financière. Dans ce cas, il ne sert à rien de l’enfoncer. L’encadrement des frais bancaires va donc dans le bon sens.

Quelles sont vos préconisations pour rendre le système de médiation plus performant ?

Dans la mesure où j’observe que la pratique de la médiation va se généraliser, je souhaiterais que la FBF mette la procédure de médiation encore plus en avant. Par ailleurs, j’en appelle aux pouvoirs publics pour engager des actions en faveur de l’éducation financière. En effet, une grande majorité du public ignore les principes de bases de fonctionnement des banques et des établissements financiers. Cette carence entraîne des malentendus de part et d’autre qui peuvent rendre la tâche plus difficile au médiateur qui doit alors se transformer en pédagogue. De leur côté, les banques doivent renforcer la formation des conseillers ou chargés de clientèle, afin de renseigner au mieux leurs clients, avec doigté et diplomatie. Il faudrait également que les associations de consommateurs se tournent davantage vers la médiation.

1 Source : CNIL, Ficoba, avril 2013. 2 Article L 316-1 du Code monétaire et financier. 3 Article L 133-18 et suivants du Code monétaire et financier.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº763
Notes :
1 Source : CNIL, Ficoba, avril 2013.
2 Article L 316-1 du Code monétaire et financier.
3 Article L 133-18 et suivants du Code monétaire et financier.