« Les ordonnances Macron risquent de déséquilibrer le dialogue social dans l’entreprise »

Vous avez &eacute;t&eacute; pr&eacute;sident du SNB/CFE-CGC entre 2007 et le 5 juin 2019. Comment a &eacute;volu&eacute; le syndicat en 12 ans ? C&rsquo;&eacute;tait une organisation tr&egrave;s impliqu&eacute;e dans les d&eacute;bats nationaux et qui continue &agrave; l&rsquo;&ecirc;tre, mais nous sommes aussi revenus aux fondamentaux du syndicalisme. Les fondements du syndicalisme, ce sont des femmes et des hommes qui se r&eacute;unissent pour am&eacute;liorer leur situation, sans que l&rsquo;on soit pour autant en conflit permanent avec l&rsquo;entreprise. J&rsquo;ai transform&eacute; la culture du syndicat de mani&egrave;re &agrave; ce que les militants reviennent sur le terrain au plus pr&egrave;s des salari&eacute;s. Ces derniers se sentent alors davantage concern&eacute;s par le syndicalisme, qui prend le visage d&rsquo;un homme ou d&rsquo;une femme qui est venu leur parler, les &eacute;couter, les accompagner. Dans les n&eacute;gociations nationales soit d&rsquo;entreprise soit dans la branche professionnelle, nous sommes ainsi les vrais porte-parole des probl&eacute;matiques des salari&eacute;s. Cela nous a rapproch&eacute;s des salari&eacute;s et cela s&rsquo;est traduit dans les chiffres. Le SNB/CFE-CGC est pass&eacute; de 15 183 adh&eacute;rents en 2007 &agrave; 23 698 fin 2018, soit une hausse de 56 % et une augmentation nette de 8 515 adh&eacute;sions. En 2018, on a eu 2 417 adh&eacute;sions et 2 280 radiations. Dans ces radiations, il y a des d&eacute;parts en retraite, et il y a un ph&eacute;nom&egrave;ne nouveau, des jeunes qui quittent le secteur de la banque et du cr&eacute;dit apr&egrave;s y avoir travaill&eacute; pendant quelques ann&eacute;es. Les jeunes aiment leur m&eacute;tier mais en ont assez des conditions dans lesquelles on le leur fait exercer. Le SNB est devenu le premier syndicat de la banque en 2017. Qu&rsquo;est-ce que cela permet ? Comme nous sommes au-del&agrave; de 30 % de suffrages, nous pouvons signer seul un accord de branche, m&ecirc;me s&rsquo;il reste aux autres organisations la capacit&eacute;, lorsqu&rsquo;elles repr&eacute;sentent plus de 50 %, de d&eacute;noncer cet accord, on l&rsquo;a vu r&eacute;cemment avec le CDI d&rsquo;op&eacute;ration (voir actu p. 15). Cette premi&egrave;re place nous donne une responsabilit&eacute; particuli&egrave;re : nous pouvons engager l&rsquo;ensemble du monde salari&eacute; sur un texte. Je fais le lien direct entre l&rsquo;augmentation du nombre d&rsquo;adh&eacute;rents et les r&eacute;sultats &eacute;lectoraux. Nous sommes pass&eacute;s 29 &agrave; 34 % entre 2013 et 2017, ce qui est exceptionnel. La CFDT, qui est devenue le premier syndicat en interprofessionnel, a par contre perdu 1,5 point dans la banque en 4 ans. En 12 ans, quelles ont &eacute;t&eacute; les &eacute;volutions les plus marquantes sur le plan syndical et social dans la banque ? La loi du 20 ao&ucirc;t 2008 a &eacute;t&eacute; un premier big bang syndical. Elle inverse compl&egrave;tement la pyramide de la repr&eacute;sentativit&eacute;. Autrefois, dans une entreprise, &ecirc;tre adh&eacute;rent &agrave; un syndicat qui &eacute;tait lui-m&ecirc;me affili&eacute; &agrave; une conf&eacute;d&eacute;ration repr&eacute;sentative faisait que vous &eacute;tiez automatiquement repr&eacute;sentatif. &Agrave; partir du 20 ao&ucirc;t 2008, il a fallu montrer qu&rsquo;on &eacute;tait repr&eacute;sentatif dans l&rsquo;entreprise, pour l&rsquo;&ecirc;tre au niveau de la branche puis de la conf&eacute;d&eacute;ration. La premi&egrave;re r&eacute;organisation que j&rsquo;ai faite en arrivant a &eacute;t&eacute; de mettre &laquo; au cœur du r&eacute;acteur &raquo; du syndicat le d&eacute;l&eacute;gu&eacute; syndical, alors qu&rsquo;autrefois tout le syndicat &eacute;tait organis&eacute; autour du pr&eacute;sident. Il y a eu aussi la loi El Khomri d&rsquo;ao&ucirc;t 2016 puis les ordonnances Macron qui vont aussi avoir un impact &eacute;norme. C&rsquo;est une des grosses inqui&eacute;tudes que j&rsquo;ai pour l&rsquo;avenir. Qu&rsquo;ont chang&eacute; les ordonnances Macron de 2017 dans le secteur bancaire et qu&rsquo;est-ce qui vous inqui&egrave;te ? Avec la fusion des instances repr&eacute;sentatives du personnel (IRP), on va demander &agrave; des &eacute;lus du personnel de faire dans le cadre d&rsquo;un seul mandat, au sein du Comit&eacute; social et &eacute;conomique (CSE), le travail qui &eacute;tait fait auparavant dans le cadre de trois mandats : d&eacute;l&eacute;gu&eacute; du personnel, comit&eacute; d&rsquo;entreprise et CHSCT. Le fait d&rsquo;avoir moins d&rsquo;heures de d&eacute;l&eacute;gation va aussi aller &agrave; l&rsquo;encontre de la proximit&eacute; avec les salari&eacute;s. Je pense que la volont&eacute; est de transformer les militants syndicaux d&rsquo;aujourd&rsquo;hui en technocrates, qui vont passer beaucoup de temps &agrave; &eacute;tudier les dossiers au d&eacute;triment de la proximit&eacute; avec le terrain. Sur le plan purement comptable, &agrave; tr&egrave;s br&egrave;ve &eacute;ch&eacute;ance, c&rsquo;est int&eacute;ressant pour l&rsquo;entreprise : beaucoup de salari&eacute;s retournent &agrave; un poste professionnel &agrave; temps complet. Mais je pense qu&rsquo;&agrave; moyen terme, les entreprises vont s&rsquo;en mordre les doigts en termes d&rsquo;efficacit&eacute; du dialogue social, car cela risque de devenir des d&eacute;bats entre technocrates au sein du CSE. Les militants ne pourront plus dire comment cela va se passer dans la r&eacute;alit&eacute; quotidienne s&rsquo;ils ne peuvent plus raisonner qu&rsquo;&agrave; partir de documents, sans avoir le temps d&rsquo;aller valider sur le terrain, au contact des salari&eacute;s, les projets de la Direction. Sur le fond, le dialogue social risque donc de s&rsquo;appauvrir &eacute;norm&eacute;ment. L&rsquo;un des enjeux d&rsquo;avenir pour nos militants du SNB/CFE-CGC va donc &ecirc;tre de r&eacute;ussir, malgr&eacute; les contraintes &eacute;normes, &agrave; d&eacute;gager du temps pour rester pr&eacute;sents aux c&ocirc;t&eacute;s des salari&eacute;s. Les ordonnances Macron permettent de mettre en place des repr&eacute;sentants de proximit&eacute; mais la loi ne d&eacute;finit rien, cela reste tr&egrave;s vague. J&rsquo;ai toujours demand&eacute; &agrave; ce que, dans les r&eacute;seaux d&rsquo;agences, il puisse y avoir des repr&eacute;sentants de proximit&eacute;, qui sont des vigies sociales capables de d&eacute;tecter quand il y a un probl&egrave;me, quand le climat se d&eacute;grade, et de faire remonter l&rsquo;information, comme le faisaient les d&eacute;l&eacute;gu&eacute;s du personnel sur le terrain autrefois. Il va y avoir des territoires entiers sur lesquels il n&rsquo;y aura pas un seul repr&eacute;sentant du personnel. Si un jour vous avez un probl&egrave;me dans une agence, un burn-out voire un suicide dans le pire des cas, les DRH et les &eacute;lus vont &eacute;videmment se d&eacute;placer mais ils seront mal accueillis car personne n&rsquo;aura rendu visite aux salari&eacute;s de cette agence auparavant. Les entreprises ne se rendent pas compte des milliers de cas de burn-out et d&rsquo;arr&ecirc;ts de travail qui sont &eacute;vit&eacute;s chaque ann&eacute;e, parce que nos militants vont &agrave; la rencontre des salari&eacute;s et leur offre une &eacute;coute attentive pour exprimer le mal-&ecirc;tre qu&rsquo;ils ont au travail &agrave; cause de la charge et des conditions de travail. Il y a une volont&eacute; d&eacute;lib&eacute;r&eacute;e, avec ces ordonnances, d&rsquo;affaiblir les corps interm&eacute;diaires, de couper les repr&eacute;sentants du personnel de l&rsquo;ensemble des salari&eacute;s. Cette fusion des IRP se met-elle en place progressivement dans les banques ? Elle se met en place brutalement. Tout a commenc&eacute; au premier semestre 2018 et doit &ecirc;tre fini au 31 d&eacute;cembre 2019. En un an et demi, on aura fait un cycle &eacute;lectoral qui auparavant se faisait en 4 ans. BNP Paribas a vot&eacute; et le SNB est d&eacute;sormais &agrave; plus de 50,70 %. LCL vote en juin et Soci&eacute;t&eacute; G&eacute;n&eacute;rale est un cas particulier, avec encore 130 comit&eacute;s d&rsquo;entreprise, donc ils votent quasiment tout le temps. La derni&egrave;re vague aura lieu de septembre &agrave; d&eacute;cembre 2019. Une autre cons&eacute;quence des ordonnances Macron et de cette fusion des IRP, qui &eacute;tait une demande insistante du Medef, c&rsquo;est la disparition des CHSCT. C&rsquo;&eacute;tait pourtant la seule instance qui avait la capacit&eacute; et les moyens juridiques de contraindre l&rsquo;entreprise &agrave; tenir compte de l&rsquo;avis des repr&eacute;sentants du personnel en mati&egrave;re de sant&eacute; au travail. &Agrave; court terme, cette mesure permettra sans doute de faire aussi des &eacute;conomies, mais bien uniquement &agrave; court terme ! Dans beaucoup d&rsquo;entreprises, le risque est grand que les CSE s&rsquo;appliquent d&rsquo;abord &agrave; g&eacute;rer les œuvres socioculturelles, qui sont une &laquo; vitrine &raquo; pour les &eacute;lus, au d&eacute;triment de ce que faisait le CHSCT. L&rsquo;application, au fil du temps, des ordonnances Macron, risque donc fort de d&eacute;s&eacute;quilibrer le dialogue social dans l&rsquo;entreprise. Cela se fera, bien &eacute;videmment, au d&eacute;triment du bien-&ecirc;tre des salari&eacute;s au travail, mais aussi au d&eacute;triment du d&eacute;veloppement de l&rsquo;entreprise, car un dialogue social fort et constructif est un &eacute;l&eacute;ment indispensable au d&eacute;veloppement &eacute;conomique des entreprises. Aujourd&rsquo;hui &agrave; quoi tient l&rsquo;&eacute;panouissement d&rsquo;un salari&eacute; dans la banque ? Les salari&eacute;s dans la banque s&rsquo;&eacute;panouissent pleinement quand on les laisse faire leur vrai m&eacute;tier : conseiller leurs clients. Charg&eacute;s d&rsquo;accueil, conseillers, directeurs d&rsquo;agence veulent simplement conseiller et vendre des produits adapt&eacute;s &agrave; leurs clients. Or aujourd&rsquo;hui, ce n&rsquo;est plus du tout le cas ! Ils doivent vendre prioritairement ce qui int&eacute;resse l&rsquo;entreprise pour optimiser son r&eacute;sultat. Cela est mal v&eacute;cu par les salari&eacute;s, et en particulier aux deux extr&eacute;mit&eacute;s de la pyramide des &acirc;ges. Les plus &acirc;g&eacute;s ont connu autre chose et vivent tr&egrave;s mal cette obligation. Parmi les autres r&eacute;formes des ordonnances, il y a l&rsquo;importance accrue des accords d&rsquo;entreprise sur les accords de branche, est-ce une bonne chose ? Ce peut &ecirc;tre une bonne chose que de rapprocher le dialogue social du terrain mais il y a un probl&egrave;me d&rsquo;&eacute;quilibre dans la n&eacute;gociation. Dans le secteur bancaire, 6 groupes rassemblent 80 % des effectifs. La repr&eacute;sentation syndicale y est forte et permet donc d&rsquo;assurer cet &eacute;quilibre. Par contre, pour les 20 % de salari&eacute;s qui restent, le rapport de force n&rsquo;est pas du tout le m&ecirc;me dans une petite ou moyenne entreprise dans laquelle la pr&eacute;sence syndicale est beaucoup plus difficile. Ainsi, quand un dirigeant d&rsquo;entreprise peut se faire accompagner d&rsquo;un expert-comptable ou d&rsquo;un avocat fiscaliste, par exemple, un repr&eacute;sentant du personnel seul et sans appui d&rsquo;une organisation syndicale n&rsquo;a pas n&eacute;cessairement de formation sp&eacute;cifique &agrave; la n&eacute;gociation ou au Code du travail. Dans ces situations, la place de la n&eacute;gociation et des accords de branche est donc tr&egrave;s importante. Avec la loi de 2008, il y a de plus en plus le risque que les entreprises se retrouvent avec seulement deux syndicats pr&eacute;sents apr&egrave;s les &eacute;lections, l&rsquo;un au-dessus et l&rsquo;autre au-dessous de 50 %. Chez BNP Paribas, par exemple, il ne reste plus que le SNB/CFE-CGC et la CFDT, les autres syndicats ayant perdu leur repr&eacute;sentativit&eacute;. Quand vous ajoutez &agrave; cela la comp&eacute;tition &eacute;lectorale permanente que cette loi a instaur&eacute; de fait, il risque d&rsquo;y avoir de plus en plus de situations du type de celle que nous avons connue avec le CDI d&rsquo;op&eacute;ration, le second n&rsquo;ayant de cesse de vouloir passer premier. La vraie pluralit&eacute; syndicale a du bon car sinon le risque existe &eacute;galement de voir le d&eacute;veloppement de nouveaux &laquo; syndicats maisons &raquo; comme Asisa chez Ark&eacute;a par exemple, suscit&eacute;s par les Directions ou par les salari&eacute;s eux-m&ecirc;mes&hellip; Les effectifs diminuent doucement depuis 2011, et les agences ont commenc&eacute; &agrave; fermer&hellip; Il y a eu jusqu&rsquo;&agrave; pr&eacute;sent en France une d&eacute;crue lente et r&eacute;guli&egrave;re des effectifs, g&eacute;r&eacute;e essentiellement gr&acirc;ce aux d&eacute;parts en retraite. Nous sommes favorables &agrave; l&rsquo;accompagnement de ces &eacute;volutions au SNB/CFE-CGC. Sans cette politique d&rsquo;utilisation active de la pyramide des &acirc;ges, nous aurions sans doute v&eacute;cu des situations beaucoup plus dramatiques, avec des PSE importants et plusieurs milliers de personnes licenci&eacute;es. Regardez ce qui s&rsquo;est pass&eacute; depuis la crise financi&egrave;re dans les pays europ&eacute;ens, chez Unicr&eacute;dit en Italie, en Espagne, en Hollande o&ugrave; on a r&eacute;duit de plus de 70 % le nombre d&rsquo;agences, des dizaines de milliers de salari&eacute;s ont &eacute;t&eacute; licenci&eacute;s. En France, la banque continue &agrave; embaucher, elle a embauch&eacute; 40 000 personnes en 2018. Pensez-vous que les transformations, li&eacute;es au digital, vont s&rsquo;acc&eacute;l&eacute;rer ? Je pense que cela va s&rsquo;acc&eacute;l&eacute;rer parce que les r&eacute;seaux repr&eacute;sentent des co&ucirc;ts de structure &eacute;normes pour les banques. Or les clients ne sont plus r&eacute;ellement demandeurs de ces agences, ils n&rsquo;y viennent que de mani&egrave;re tr&egrave;s occasionnelle. On va sans doute retrouver ce qui existait il y a vingt ans, une agence principale importante et une ou deux petites antennes par exemple dans un quartier r&eacute;sidentiel ais&eacute; ou dans une zone artisanale avec beaucoup de PME. Aujourd&rsquo;hui, les clients n&rsquo;ont plus cette exigence de proximit&eacute; avec leur r&eacute;sidence ou leur lieu de travail, m&ecirc;me si dans les enqu&ecirc;tes cela reste un fantasme de vouloir une agence proche. Dans la r&eacute;alit&eacute;, le client veut une proximit&eacute; relationnelle. Il veut envoyer un mail le matin et avoir une r&eacute;ponse dans la journ&eacute;e. Certes, il y a encore des banques qui ont les esp&egrave;ces, des villages qui se battent pour conserver cette proximit&eacute;, mais la banque n&rsquo;est pas non plus un service public&hellip; Donc la crainte de d&eacute;sertification concernant les fermetures de DAB n&rsquo;est pas fond&eacute;e ? Si les grandes banques traditionnelles commerciales ont tendance &agrave; diminuer leur nombre d&rsquo;agences, le Cr&eacute;dit Mutuel et le Cr&eacute;dit Agricole continuent leurs implantations territoriales et ne sont pas du tout dans la strat&eacute;gie de fermetures. Leur objectif est aussi de r&eacute;cup&eacute;rer la client&egrave;le que les autres banques abandonnent quand elles ferment une agence. Concernant la probl&eacute;matique des DAB, il faut faire preuve d&rsquo;innovation, utiliser les technologies modernes comme le paiement sans contact. Au nom de quoi une banque garderait un GAB qui co&ucirc;te 15 000 euros par an de frais de fonctionnement alors que des solutions peuvent &ecirc;tre d&eacute;velopp&eacute;es, comme le cash back, qui favorise le d&eacute;veloppement du commerce local de proximit&eacute; et peut cr&eacute;er un ou deux emplois dans la commune. On parle beaucoup de l&rsquo;intelligence articielle (IA) depuis un ou deux ans, mais pour le moment il n&rsquo;y a pas eu de bouleversement dans la banque. &Ecirc;tes-vous inquiet par rapport &agrave; l&rsquo;IA ? Ce qui m&rsquo;inqui&egrave;te n&rsquo;est pas l&rsquo;IA, que j&rsquo;appelle &laquo; intelligence augment&eacute;e &raquo;, car elle doit permettre au conseiller de client&egrave;le d&rsquo;optimiser son temps. Ce qui m&rsquo;inqui&egrave;te, c&rsquo;est la strat&eacute;gie que les banques vont adopter. L&rsquo;alternative est simple, soit vous avez un raisonnement financier, qui va dire que si l&rsquo;IA permet d&rsquo;&eacute;conomiser 20 % de temps &ndash; par exemple, car il n&rsquo;y a pas encore d&rsquo;&eacute;tudes chiffr&eacute;es sur le sujet &ndash; sur 100 postes de conseillers de client&egrave;les, il faudra en supprimer 20. L&rsquo;autre approche est de dire que si l&rsquo;IA fait &eacute;conomiser 20 % du temps du conseiller, une partie doit &ecirc;tre affect&eacute;e &agrave; l&rsquo;am&eacute;lioration de la productivit&eacute; et donc aux r&eacute;sultats de l&rsquo;entreprise, mais une autre &agrave; l&rsquo;am&eacute;lioration des conditions de travail et de la qualit&eacute; des relations avec le client, ce qui permet de faire davantage d&rsquo;affaires. Ma crainte est que les banques aillent plut&ocirc;t vers l&rsquo;&eacute;conomie comptable imm&eacute;diate. Je n&rsquo;ai pas peur de l&rsquo;IA, plut&ocirc;t des choix strat&eacute;giques qui vont &ecirc;tre faits. Je conseille aux &eacute;quipes que je rencontre de ne pas attendre mais de demander &agrave; &ecirc;tre associ&eacute;es le plus en amont possible &agrave; sa mise en œuvre. La r&eacute;volution digitale est derri&egrave;re nous. Ce qui nous attend, c&rsquo;est la rupture digitale, et en fonction de la fa&ccedil;on dont les banques vont utiliser cette IA, il va y avoir rupture ou pas. Anticipez-vous une acc&eacute;l&eacute;ration de la transformation de la banque de d&eacute;tail ? La banque de d&eacute;tail risque de ne pas se refaire une sant&eacute; rapidement. Il n&rsquo;est pas possible d&rsquo;augmenter les revenus sur les marges d&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t parce que les taux ne vont pas remonter tout de suite, ni sur les commissions car il y a une pression des associations de consommateurs et de Bercy d&egrave;s que l&rsquo;on touche aux frais bancaires. Quand on ne peut pas augmenter les sources de revenu, il ne reste qu&rsquo;&agrave; diminuer les charges, et dans la banque, cela consiste &agrave; fermer les agences et &agrave; diminuer le nombre de salari&eacute;s. Je pense donc que la fermeture des agences risque de s&rsquo;acc&eacute;l&eacute;rer. En plus, la BFI, qui commence aussi &agrave; conna&icirc;tre des probl&egrave;mes en termes de rentabilit&eacute;, pourrait ne plus &ecirc;tre en mesure de compenser partiellement ce que ne gagne pas la banque &agrave; r&eacute;seau. Il va y avoir des pertes d&rsquo;emplois, mais si les choses sont faites intelligemment, des milliers d&rsquo;emplois peuvent &ecirc;tre cr&eacute;&eacute;s, par exemple dans les data. Quand je parle de la n&eacute;cessit&eacute; d&rsquo;un plan Marshall de la formation professionnelle, il ne s&rsquo;agit pas uniquement de former les conseillers g&eacute;n&eacute;ralistes pour en faire des sp&eacute;cialistes, mais aussi, par exemple, de reconvertir une partie des jeunes dipl&ocirc;m&eacute;s dans l&rsquo;analyse des donn&eacute;es, les datas et les r&eacute;seaux sociaux&hellip;

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