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Comparaison

« Comme le secteur des télécoms dans les années 1990… »

Créé le

24.01.2017

-

Mis à jour le

30.01.2017

L’ouverture forcée de leurs systèmes à laquelle doivent faire face les banques fait écho à ce qu’ont connu les opérateurs téléphoniques il y a plus de 20 ans. Avant de se spécialiser sur la FinTech, Jean-Stéphane Gourévitch suivait les sujets réglementaires pour le secteur des télécoms.

Le concept d’open banking est-il un risque pour les banques traditionnelles ?

Si elles ne réagissent pas, les banques pourraient être cantonnées à un rôle d’infrastructure. C’est un risque réel, qui rappelle de manière frappante ce qu’a connu le secteur des télécoms dans les années 1990. La question est de savoir si les banques sont prêtes à devenir une simple commodité, un « tuyau », dont les revenus sont suffisants mais n’augmentent jamais et qui supporte la charge réglementaire (KYC, LAB-FT) ; ou si elles veulent conserver la valeur ajoutée, ce qui implique qu’elles coopèrent avec un certain nombre d’acteurs innovants.

Quel est l’enjeu des API ouvertes ?

De manière intéressante, ce débat rappelle là encore celui des télécoms et le début de la libéralisation du secteur autour de la directive Open Network Provision dans les années 1990. Elle exigeait que les opérateurs donnent accès à leur réseau à leurs concurrents mais des années de discussions, conflits, négociations furent nécessaires pour que les concurrents puissent avoir accès à la partie intelligente des réseaux. Les banques se disent preneuses des API ouvertes, mais la discussion bute rapidement sur la question de l’accès, du contrôle et de la profondeur d’intelligence du réseau accessible. Cela soulève beaucoup de questions autour du droit de la concurrence et il faudra les étudier de près.

Dans ce contexte, les opérateurs téléphoniques pourraient-ils être une menace pour les banques traditionnelles ?

Ils jouent un rôle fondamental dans les pays émergents en s’appuyant sur les paiements mobiles. Dans les pays développés, leurs tentatives ont jusqu’à présent été des catastrophes. Ils ont essayé de s’allier (Buyster en France, Softcard/Isis aux États-Unis, par exemple), mais le paiement est un sujet trop stratégique pour eux pour pouvoir coopérer entre eux. Les opérateurs ont été quasiment éliminés de la chaîne de valeur des paiements mobiles dans les pays développés. Ils ne sont par exemple pas du tout impliqués dans Apple Pay. Aujourd’hui, Orange essaie de remonter plus haut dans la chaîne de valeur avec le développement d’une banque complète via le rachat de 70 % de Groupama Banque. C’est un projet très ancien dont on parlait déjà chez France Telecom, entre autres, dans les années 1990. Il y a beaucoup d’obstacles. Orange semble aujourd'hui en avoir résolu certains, en particulier réglementaires, bien que cela n'ait pas été facile de s’appuyer sur une banque existante. Reste à voir comment les clients considéreront ce développement, que je juge néanmoins innovant et important.

Côté fabricants enfin, que penser d’Apple Pay ?

Les banques me semblent avoir développé une forme de syndrome de Stockholm vis-à-vis d’Apple Pay, au Royaume-Uni et aux États-Unis en particulier ; Barclays a par exemple abandonné son service Pingit au profit d’Apple Pay. C’est une stratégie risquée : fort de son milliard d’utilisateurs d’iTunes, Apple pourrait ne pas s’en tenir à un rôle de processeur de paiement par carte bancaire et vouloir proposer un service de paiement peer-to-peer qui contournerait les banques. Par ailleurs, Apple a déposé un brevet l'année dernière l’utilisation des monnaies virtuelles en conjonction avec Apple Pay et sa base d'utilisateurs d’iTunes.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº805