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Soutien public

Bpifrance structure son offre vers l'ESS

Créé le

09.02.2015

-

Mis à jour le

25.02.2015

Déjà ponctuellement active sur le secteur du temps d'Oseo, Bpifrance a désormais mis sur pied une gamme de financements à destination des acteurs de l'économie sociale et solidaire. Elle est par ailleurs en train de revoir ses grilles d'analyse pour étendre le concept d'innovation hors des strictes frontières de la technologie et co-investit avec les régions dans un fonds d'innovation sociale (FISO).

En quoi consiste le prêt à l’économie sociale et solidaire (PESS), nouvel outil que vous vous apprêtez à lancer ?

C’est un prêt de la gamme des prêts de développement accordés par Bpifrance servant à cofinancer, aux côtés des banques, des dépenses d’investissement – matériel ou immatériel – et l’augmentation du BFR lié à cet investissement. Les PESS sont dédiés aux entités de l’économie sociale et solidaire (ESS) de plus de trois ans et atteignent des montants compris entre 10 000 et 50 000 euros. Ils devraient être lancés d’ici la fin du premier trimestre 2015. Ces prêts auront une maturité de cinq ans, avec un différé d’amortissement d’un an. Le choix d’une maturité plus courte que celle des prêts que nous accordons aux acteurs traditionnels – de 7 ans – répond à la volonté de proposer une tarification plus faible pour les acteurs de l’ESS. Par ailleurs, nous ne demanderons pas de garantie à l’emprunteur, car les PESS seront couverts par un fonds de garantie abondé par l’État. Chaque financement de Bpifrance sera adossé à un prêt bancaire d’un montant au moins équivalent.

Travaillerez-vous avec certaines banques en particulier ?

Il n’y a pas de partenariat exclusif et nous travaillerons avec toutes les banques localement.

La part des banques est-elle aussi garantie ?

En dehors des outils spécifiquement mis en place par Bpifrance pour l’ESS, les acteurs ont accès à l’ensemble des produits de droit commun que nous offrons. De ce fait, les prêts que les banques accordent aux acteurs de l’ESS peuvent bénéficier des dispositifs de garantie habituels de Bpifrance.

Un autre nouvel outil, le fonds d’innovation sociale (FISO), vient aussi d’être créé. Comment fonctionne-t-il ?

Le FISO a pour vocation le financement de projets d’innovation sociale. Il est ouvert à tout porteur de projet, qu’il s’agisse d’un acteur statutaire de l’ESS (association, coopérative…) ou d’une entreprise classique. Par ailleurs, le FISO consacre l’aboutissement de notre réflexion sur le concept d’innovation qui n’est pas seulement technologique, mais qui peut aussi relever du marketing, de l’organisation… Cette vision plus large de l’innovation inclut également l’innovation sociale. L’objectif est de pouvoir financer des projets sous forme d’avances récupérables (et non sous forme de subvention comme c’est souvent le cas dans ces secteurs) qui apporteront des réponses à des besoins sociaux peu ou mal satisfaits. À travers le FISO, Bpifrance mettra à disposition des porteurs de projets une enveloppe de 20 millions d’euros apportée à parité par l’État et les neuf régions partenaires du dispositif (Centre, Franche-Comté, Languedoc-Roussillon, Lorraine, Nord-Pas-de-Calais, Picardie, Provence-Alpes-Côte-d'Azur, Rhône-Alpes et Midi-Pyrénées) qui participeront à la phase expérimentale du programme. Les projets seront financés à hauteur de 30 000 euros sous forme d’avances récupérables en cas de succès technico-économique. C’est ainsi que fonctionne déjà cet outil dans le cadre du financement de l’innovation technologique. En cas d’échec, seul un forfait est dû. Nous travaillerons de manière flexible avec les Régions, selon le contexte et les besoins locaux. Ces dernières lanceront pour la plupart des appels à projets (certaines, comme la Picardie, les ont déjà lancés), mettant éventuellement en avant les objectifs sociaux spécifiques à leur territoire. Les dossiers sont déposés auprès de l’opérateur de la Région désigné à cet effet. L’instruction des projets sera partenariale et la région pourra associer des réseaux locaux de financement et d’accompagnement de l’ESS (France Active par exemple), à la fois pour bénéficier de leur expertise dans l’identification, la qualification et l’accompagnement des projets et pour pouvoir mobiliser des outils financiers  complémentaires au FISO.

Qu’en est-il de votre investissement en fonds propres ?

En la matière, nous fonctionnons sur une logique d’appel à projets permanent au titre de notre activité de fonds de fonds : les sociétés de gestion qui souhaitent monter un fonds dans le domaine de l’ESS peuvent nous soumettre leur projet. Nous sélectionnons les bons projets, qui ont un impact économique réel. C’est à ce titre que nous nous sommes ainsi engagés à hauteur d’une vingtaine de millions d’euros dans le fonds que monte actuellement ESFIN Gestion qui ciblera la croissance organique ou externe des SCOP ainsi que la transmission des coopératives et dont le closing doit intervenir dans le courant du premier trimestre. Plus largement, nous investissons également dans des fonds qui ciblent des entreprises à impact social (social impact investing), quand bien même ces dernières ne seraient pas de l’ESS au sens statutaire. C’est dans ce cadre que nous avons souscrit une quinzaine de millions d’euros dans le prochain fonds géré par Impact Partenaires qui devrait atteindre une quarantaine de millions d’euros. Nous nous sommes également engagés à souscrire à hauteur d’un peu moins de 10 millions d’euros dans le prochain fonds géré par Citizen Capital.

Sentez-vous une appétence croissante des acteurs financiers privés pour le secteur de l’ESS ?

In fine, il s’agit souvent d’investir dans des structures auxquelles beaucoup d’investisseurs sont peu habitués (coopérative, association…).  De ce fait, les tours de table ne sont pas toujours faciles à boucler. En intervenant aux côtés des acteurs financiers qui connaissent bien le secteur (banques et investisseurs), Bpifrance peut jouer un rôle d’aiguillon et de tiers de confiance important pour le développement de ces projets qui, même s’ils ne dégagent pas des taux de rentabilité très élevés, peuvent entrer dans les actifs à rendement régulier et peu risqués.

Changez-vous votre grille d’analyse des dossiers pour vous plier aux spécificités du secteur ?

Le financement de l’Économie sociale et solidaire est à la fois ancien et nouveau pour Bpifrance. Ancien parce que les entités qui préexistaient à Bpifrance, notamment OSEO, finançaient « à bas bruit » certains des acteurs de l’ESS (coopératives, associations, etc.). Nouveau parce que depuis la loi du 31 décembre 2012 portant création de Bpifrance, le financement de l’ESS compte au nombre de nos missions explicites. Pour autant, nous n’avons pas prétendu « réinventer la roue » dans ce domaine. C’est pourquoi nous avons d’emblée souhaité travailler avec les acteurs du secteur. Un seul exemple pour le montage du FISO : si nos équipes maîtrisent bien l’innovation technologique, il nous a fallu comprendre et définir précisément ce que l’on entend par « innovation sociale » pour identifier les bons projets et, in fine, les financer. Nous avons donc élaboré une grille de critères permettant de qualifier les projets socialement innovants en nous appuyant sur les travaux qu’avaient déjà réalisés des acteurs comme l’AVISE ou l’Institut Godin. Nos chargés d’affaires innovation sont actuellement formés pour mieux identifier ce que sont l’innovation non technologique au sens large et l’innovation sociale en particulier. Enfin, chacune de nos directions régionales sera dotée d’un référent ESS.

Qu’avez-vous mis en place pour mesurer l’impact social ?

Pour le FISO, l’impact social du projet fait partie des critères de la grille d’évaluation des projets (par exemple en termes d’emploi créés sur un territoire donné). Dans le cadre des accords passés avec l’État et les Régions, il est prévu que nous mesurions, ex post, l’impact réellement atteint. Une partie de notre enveloppe du FISO est d’ailleurs prévue pour l’évaluation externe des projets financés. De manière analogue, nos décisions de souscription dans des fonds d’investissement tels que celui d’Impact Partenaires ou de Citizen Capital ont notamment été motivées par les thèses d’investissement des fonds qui visent précisément à avoir un impact social (ex. développement de l’activité économique et de l’emploi dans les quartiers sensibles, etc.). Nous demandons aussi à ces gestionnaires de mesurer l’impact de leurs investissements.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº782