L’activité assurantielle est-elle discriminatoire ?

Au cours de la derni&egrave;re d&eacute;cennie, la lutte contre toutes les discriminations est pass&eacute;e d'une pr&eacute;occupation nationale, sur un plan l&eacute;gal, &agrave; un r&eacute;el id&eacute;al europ&eacute;en. Depuis sa cr&eacute;ation, l'Union europ&eacute;enne (UE) a fait de l'&eacute;galit&eacute; de tous les citoyens europ&eacute;ens et de la lutte contre la discrimination la pierre angulaire de son action. Celle-ci porte sur tous les plans de la vie quotidienne, de la lutte contre les discriminations &agrave; l'embauche ou sur le lieu de travail &agrave; la recherche de l'&eacute;galit&eacute; parfaite devant les prestations de services. Directive europ&eacute;enne interdisant la discrimination fond&eacute;e sur le sexe Premi&egrave;re version du texte : la pertinence des crit&egrave;res actuariels reconnue Le 13 d&eacute;cembre 2004, la directive mettant en œuvre le principe de l'&eacute;galit&eacute; de traitement entre les femmes et les hommes dans la fourniture de biens et services (Directive 2004/113/CE du Conseil) a &eacute;t&eacute; vot&eacute;e par la Commission europ&eacute;enne. Celle-ci, entre autres points, interdit toute discrimination fond&eacute;e sur le sexe dans le cadre de prestations de services. &Agrave; l'&eacute;vidence, l'activit&eacute; assurantielle est touch&eacute;e par cette mesure. Les premiers articles de la directive ne laissent aucune place &agrave; l'interpr&eacute;tation. Ainsi, d&egrave;s l'article 2, est expos&eacute; le principe selon lequel &laquo; le droit de toute personne &agrave; l'&eacute;galit&eacute; devant la loi et &agrave; la protection contre la discrimination constitue un droit universel &raquo;. Les articles 4 et 5 disposent que &laquo; l'&eacute;galit&eacute; entre les hommes et les femmes doit &ecirc;tre assur&eacute;e dans tous les domaines &raquo; et que la &laquo; promotion de cette &eacute;galit&eacute; est l'une des t&acirc;ches essentielle de la Communaut&eacute; &raquo;. Le but de la directive de 2004 est donc tr&egrave;s clairement exprim&eacute; : l'UE, en tant qu'instance supra-&eacute;tatique, entend lutter contre toute forme de discrimination. Avec cet acte, l'UE s'engage pour une plus grande &eacute;galit&eacute; entre les hommes et les femmes. Dans les articles suivants, la directive europ&eacute;enne concentre son action sur l'acc&egrave;s aux biens et services, arguant que &laquo; les probl&egrave;mes [y] sont particuli&egrave;rement visibles &raquo; et qu'il &laquo; convient donc de pr&eacute;venir et d'&eacute;liminer la discrimination fond&eacute;e sur le sexe dans ce domaine &raquo; (article 10). Toutefois, dans la premi&egrave;re version de cette directive, entr&eacute;e en vigueur en 2004, le l&eacute;gislateur europ&eacute;en con&ccedil;oit toute la diff&eacute;rence entre une discrimination pure fond&eacute;e sur le sexe et la diff&eacute;rence de traitement entre les deux sexes bas&eacute;e sur des crit&egrave;res statistiques et quantifiables. C'est le sens des articles 18 et 19 de la directive. Si la discrimination n'est pas accept&eacute;e de la part de l'offreur du service, le Conseil europ&eacute;en reconna&icirc;t que &laquo; l'utilisation de facteurs actuariels li&eacute;s au sexe est tr&egrave;s r&eacute;pandue dans la fourniture des services d'assurance &raquo; (article 18). De plus, le l&eacute;gislateur europ&eacute;en reconna&icirc;t la pertinence de la science actuarielle. Il conf&egrave;re aux assureurs l'autorisation de pratiquer des primes diff&eacute;rentes entre les hommes et les femmes, &agrave; la condition que ces diff&eacute;rences tarifaires s'appuient sur crit&egrave;res actuariels fiables. Dans sa premi&egrave;re mouture, le texte de l'UE reconna&icirc;t donc pleinement que l'activit&eacute; assurantielle n'est en rien discriminatoire par nature. Le 21 d&eacute;cembre 2007, la Belgique transpose cette directive europ&eacute;enne en droit interne et fait le choix d'autoriser les primes d'assurance diff&eacute;renci&eacute;es entre les deux sexes. Face &agrave; cela, deux particuliers belges, ainsi que l'association de consommateurs Test-Achat ASBL, portent un recours en annulation de cette loi. Ce recours porte sur un texte europ&eacute;en, il est donc transf&eacute;r&eacute; devant la Cour de Justice europ&eacute;enne qui, le 11 mars 2011, rend l'arr&ecirc;t Test-Achat : pour la premi&egrave;re fois, la Cour europ&eacute;enne remet en cause les primes d'assurance diff&eacute;renci&eacute;es entre les hommes et les femmes, et ce, m&ecirc;me si cette diff&eacute;rence peut se justifier par la science actuarielle. Sur le fond de l'esp&egrave;ce, la Cour estime que nul ne peut, d'une mani&egrave;re ou d'une autre, d&eacute;roger &agrave; l'obligation de lutte contre les discriminations fond&eacute;es sur le sexe pos&eacute;es par les textes fondateurs de l'UE. Cette lutte poursuit un objectif essentiel que l'Union s'est fix&eacute; : lutter contre toute forme de discrimination, dans tous les domaines de la vie des citoyens, depuis leur vie professionnelle jusqu'&agrave; leur acc&egrave;s aux biens et services dans leur vie priv&eacute;e. Il est donc imp&eacute;ratif, pour la Cour de Justice de l'Union, d'&eacute;tablir progressivement une &eacute;galit&eacute; de traitement entre ses citoyens. La Cour de Justice d&eacute;cide donc d'abroger l'article 18 de la Directive de 2004, et ce &agrave; compter du 21 d&eacute;cembre 2012. &Agrave; partir de ce jour, donc, les assureurs doivent proposer &agrave; leurs clients des primes unisexes pour tous leurs produits. En mars 2011, les assureurs ont unanimement condamn&eacute; cet arr&ecirc;t. Toutefois, force est de constater que, s'il marque une premi&egrave;re dans l'histoire de l'assurance en d&eacute;savouant la statistique, cet arr&ecirc;t ne touche pas dans la m&ecirc;me mesure toutes les branches de l'activit&eacute; assurantielle. Les assureurs dommage faiblement impact&eacute;s par la nouvelle directive Seule l'assurance automobile utilise syst&eacute;matiquement, ou presque, le crit&egrave;re du sexe lors de la souscription. En effet, la statistique a d&eacute;montr&eacute; qu'en moyenne, les jeunes femmes sont moins sinistr&eacute;es que les jeunes hommes. Mais d&egrave;s l'&acirc;ge de 25 ans, cette diff&eacute;rence de sinistralit&eacute; se r&eacute;sorbe et les courbes tendent &agrave; se rejoindre jusqu'&agrave; l'&acirc;ge de 55 ans, &acirc;ge auquel la sinistralit&eacute; f&eacute;minine se renforce l&eacute;g&egrave;rement par rapport &agrave; la sinistralit&eacute; masculine. Le crit&egrave;re actuariel du sexe est donc, en assurance automobile, fortement corr&eacute;l&eacute; au crit&egrave;re de l'&acirc;ge, qui reste plus d&eacute;terminant dans la sinistralit&eacute; que le crit&egrave;re du sexe. De plus, les assureurs automobiles disposent de tr&egrave;s nombreux autres crit&egrave;res sur lesquels ils peuvent &eacute;tablir leur tarification, tels que le mod&egrave;le du v&eacute;hicule &agrave; assurer, sa puissance, le nombre de kilom&egrave;tres parcourus par l'assur&eacute;... Dans le cas de l'assurance automobile donc, m&ecirc;me si le crit&egrave;re du sexe &eacute;tait jusqu'alors tr&egrave;s largement utilis&eacute; par les assureurs, ces derniers pourront toujours &eacute;tablir une tarification au plus proche du risque du souscripteur en utilisant une combinaison d'autres crit&egrave;res actuariels. Les assureurs automobiles, s'ils sont impact&eacute;s par cette nouvelle r&eacute;glementation, ne sont pas pour autant r&eacute;ellement p&eacute;nalis&eacute;s par celle-ci. Les autres branches de l'assurance non-vie se trouvent encore moins impact&eacute;es par cette r&eacute;glementation, puisqu'elles utilisaient tr&egrave;s peu le crit&egrave;re du sexe. Les assureurs vie plus fortement touch&eacute;s par la directive L'assurance vie est compos&eacute;e de plusieurs branches qui sont elles-m&ecirc;mes plus ou moins impact&eacute;es par la prohibition de l'utilisation du crit&egrave;re de genre dans la tarification. Alors qu'en assurance sant&eacute;, l'utilisation du genre dans la tarification est tr&egrave;s r&eacute;cente et ne constitue pas le crit&egrave;re le plus important &ndash; en effet, &ecirc;tre un homme ou une femme n'influe que marginalement sur le risque &ndash;, En assurance vie, en revanche, le sexe est le second crit&egrave;re en termes d'importance, apr&egrave;s l'&acirc;ge. Ce genre de police est donc plus cher pour les hommes, et ce quel que soit l'&acirc;ge de la souscription. Le taux de mortalit&eacute; &eacute;tant toujours plus fort chez les hommes, il est tout &agrave; fait logique sur le plan statistique que ces derniers soient contraints de verser une prime d'assurance sup&eacute;rieure &agrave; celle des femmes. L'interdiction de segmenter par le sexe sera donc, concernant ce type de produit, tr&egrave;s p&eacute;nalisant pour les assureurs. Concernant les fonds de pension et les polices de retraite compl&eacute;mentaires, le genre est &eacute;galement le second crit&egrave;re actuariel en termes d'importance pour les assureurs. L'interdiction d'&eacute;tablir des primes d'assurance en se basant sur le crit&egrave;re du sexe p&eacute;nalise donc fortement les assureurs vie. La perte du second crit&egrave;re actuariel en terme d'importance dans la segmentation et dans la tarification interdit aux assureurs de reconna&icirc;tre les diff&eacute;rences objectives de long&eacute;vit&eacute; entre les hommes et les femmes. Ainsi, la prime d'assurance propos&eacute;e au client ne repr&eacute;sentera plus le risque pr&eacute;sent&eacute; par ce dernier, mais le risque moyen entre un homme et une femme de son &acirc;ge. La perte de pr&eacute;cision dans la tarification est ici &eacute;vidente. Le principal risque pour les assureurs est le risque d'antis&eacute;lection, th&eacute;oris&eacute; par George Akerlof. Cette th&eacute;orie s'appuie sur le constat de l'asym&eacute;trie d'information entre les agents &eacute;conomiques : celui des deux agents qui souffre de cette asym&eacute;trie se voit contraint de faire confiance &agrave; l'agent &eacute;conomique qui dispose de toute l'information. L'assureur ne peut savoir exactement pour quel montant de sinistre il devra indemniser &agrave; son client. Il tarifie donc une prime qui couvre la perte qu'il peut anticiper en se basant sur la statistique, que l'assur&eacute; accepte parce qu'il sait que cette prime refl&egrave;te avec exactitude le risque qu'il pr&eacute;sente. Si le l&eacute;gislateur interdit l'usage d'un crit&egrave;re de tarification qui permet d'&eacute;tablir un prix qui refl&egrave;te le risque, alors le client pourra estimer que la nouvelle prime qui lui est propos&eacute;e ne refl&egrave;te plus le risque qu'il pr&eacute;sente, et qu'elle est trop ch&egrave;re. Ce client quittera donc le march&eacute; de l'assurance, ou, s'il s'agit d'une assurance obligatoire, ne se couvrira que pour le minimum l&eacute;gal. En revanche, le client qui verra sa prime diminuer sans que son risque n'&eacute;volue restera, lui, sur le march&eacute;. Ainsi les &laquo; bons &raquo; clients quitteront le march&eacute; quand les &laquo; mauvais &raquo; resteront. Toutefois, m&ecirc;me si cette r&eacute;glementation entrave leur activit&eacute;, les assureurs pourront y faire face. Qu'ils utilisent de nouveaux crit&egrave;res de tarification ou qu'ils &eacute;tablissent des moyennes entre la sinistralit&eacute; masculine et la sinistralit&eacute; f&eacute;minine, les assureurs vie comme les assureurs dommage pourront continuer leur activit&eacute;. La proposition de directive interdisant la discrimination fond&eacute;e sur l'&acirc;ge, le handicap, l'origine ethnique, la religion ou l'orientation sexuelle Le 2 juillet 2008, la Commission europ&eacute;enne a publi&eacute; une proposition de directive ayant pour but premier de compl&eacute;ter la directive du 27 novembre 2000, qui prohibait toute forme de discrimination en mati&egrave;re d'emploi et de travail. En s'inspirant du travail qui avait &eacute;t&eacute; fait en 2004 sur la directive relative aux discriminations fond&eacute;es sur le sexe, la Commission veut donc garantir, dans tout l'espace europ&eacute;en, un niveau minimum de lutte contre les discriminations. Il s'agit d&eacute;sormais d'interdire toute forme de discrimination dans la prestation de biens et services, qu'il s'agisse d'une discrimination fond&eacute;e sur la religion ou les convictions, le handicap, l'&acirc;ge ou l'orientation sexuelle. L'interdiction d'&eacute;tablir une tarification diff&eacute;renci&eacute;e en fonction de l'&acirc;ge Parmi tous ces &eacute;l&eacute;ments, le seul crit&egrave;re qui ait un r&eacute;el impact sur l'activit&eacute; assurantielle est &agrave; l'&eacute;vidence le crit&egrave;re de l'&acirc;ge. Effectivement, d&egrave;s que cette directive entrera en vigueur, les assureurs vie perdront le crit&egrave;re le plus important dans leur tarification. Avant m&ecirc;me d'utiliser le sexe dans leur mod&egrave;le de tarification, les assureurs vie basent leur activit&eacute; sur l'&acirc;ge. En effet, il n'y a rien de plus ais&eacute; &agrave; comprendre : une personne contractant une police d'assurance vie &agrave; l'&acirc;ge de 30 ans ne pr&eacute;sente pas le m&ecirc;me risque qu'une personne contractant la m&ecirc;me police &agrave; l'&acirc;ge de 60 ans. Le crit&egrave;re actuariel de l'&acirc;ge ne peut pas &ecirc;tre remplac&eacute; par un quelconque autre crit&egrave;re. Quel que soit le mode de vie du souscripteur, ses ant&eacute;c&eacute;dents m&eacute;dicaux et familiaux, il est impossible de baser la tarification sur une combinaison de facteur qui montrera la m&ecirc;me efficacit&eacute; que l'utilisation de l'&acirc;ge. L'entr&eacute;e en vigueur de cette directive aurait donc des cons&eacute;quences tr&egrave;s graves sur les assureurs vie, qui perdraient ici le droit d'utiliser le crit&egrave;re sur lequel repose l'essentiel de leur tarification. L'impact de la lutte contre la discrimination Avec cette proposition de directive, l'UE prouve &agrave; tous qu'aucune sorte de discrimination ne sera tol&eacute;r&eacute;e dans la prestation de services, au risque de confondre les notions de discriminations, bas&eacute;es sur des pr&eacute;jug&eacute;s, et de diff&eacute;renciations, bas&eacute;es sur des r&eacute;alit&eacute;s statistiques. Mais il est un point essentiel qui reste &agrave; d&eacute;finir par les instances europ&eacute;ennes, c'est l'acte discriminatoire, et sur ce point, deux cas de figure peuvent &ecirc;tre distingu&eacute;s. Dans le meilleur des cas, il est envisageable que les assureurs se voient simplement contraints de pratiquer des primes ne tenant pas compte des crit&egrave;res jug&eacute;s discriminants. Dans ce cas, la situation pour les assureurs serait tr&egrave;s compliqu&eacute;e et l'effet sur la client&egrave;le tr&egrave;s p&eacute;nalisant : non seulement les assureurs seraient expos&eacute;s au risque d'antis&eacute;lection, mais en plus, ils perdraient la possibilit&eacute; d'utiliser le syst&egrave;me de surprime pour permettre aux clients pr&eacute;sentant un risque particuli&egrave;rement &eacute;lev&eacute; d'avoir acc&egrave;s &agrave; l'assurance. En consid&eacute;rant l'acte discriminatoire de mani&egrave;re plus stricte, les assureurs pourraient alors se trouver face &agrave; de plus grandes difficult&eacute;s. En effet, dans la d&eacute;finition de la discrimination telle qu'adopt&eacute;e par la Commission, &laquo; r&eacute;server un traitement diff&eacute;rent &agrave; une personne uniquement en raison de son &acirc;ge, d'un handicap, de sa religion ou de ses convictions ou de son orientation sexuelle &raquo; est constitutif de discrimination. D&egrave;s lors, ne faut-il pas estimer que le refus d'accorder &agrave; un client une police d'assurance au motif qu'il est trop &acirc;g&eacute; ou qu'il est handicap&eacute; constitue une discrimination ? Si l'Union venait &agrave; estimer que le refus d'offrir une police d'assurance &agrave; un client peut constituer une discrimination, alors l'activit&eacute; tout enti&egrave;re de l'assurance serait remise en question. Certes, l'assurance resterait une activit&eacute; de protection des biens et des individus. Mais sans pouvoir ni tarifer ses produits &agrave; sa convenance, ni m&ecirc;me &eacute;tablir de strat&eacute;gie de gestion de portefeuille, l'activit&eacute; assurantielle se rapprocherait de celle de la S&eacute;curit&eacute; Sociale, &agrave; l'exception pr&egrave;s qu'elle couvrirait des risques plus larges que la sant&eacute;, la famille, la vieillesse et le travail. Il semble donc essentiel que l'UE d&eacute;finisse pr&eacute;cis&eacute;ment quels sont les actes pouvant &ecirc;tre consid&eacute;r&eacute;s comme discriminatoires et quels sont ceux qui rel&egrave;vent simplement de la libert&eacute; commerciale. Dans le cas o&ugrave; l'UE opterait pour le second cas pr&eacute;sent&eacute;, les assureurs pourraient se trouver dans une situation o&ugrave; ils sont contraints de conclure la vente du contrat d'assurance. Priv&eacute;s de leurs deux crit&egrave;res principaux de tarification, les assureurs vont devoir mettre en place des strat&eacute;gies nouvelles afin de ne pas perdre trop en comp&eacute;titivit&eacute;. Comment pallier l'interdiction d'utiliser des crit&egrave;res discriminants ? Ces directives europ&eacute;ennes vont avoir un impact important sur les compagnies d'assurance qui vont se trouver face &agrave; l'interdiction d'utiliser les deux principaux crit&egrave;res de tarification en assurance vie. D&egrave;s lors, la question de savoir quelles mesures les assureurs vont mettre en place pour pallier cette interdiction se pose pleinement. Parmi ces mesures, la recherche de la taille critique, et donc d'une mutualit&eacute; plus grande d'assur&eacute;s a de fortes chances d'&ecirc;tre privil&eacute;gi&eacute;e par les assureurs. En effet, avec la perte de ces deux principaux crit&egrave;res, les assureurs vie vont perdre en qualit&eacute; d'&eacute;valuation de leur risque. Or, pour conserver toute leur comp&eacute;titivit&eacute;, les assureurs n'ont que deux solutions. S'ils ma&icirc;trisent exactement le risque pr&eacute;sent&eacute; par leur portefeuille, ils peuvent appliquer des primes calcul&eacute;es de mani&egrave;re tr&egrave;s pr&eacute;cise et couvrant donc la sinistralit&eacute; qu'ils ont anticip&eacute; ; s'ils perdent la ma&icirc;trise de ce risque, les assureurs n'ont alors d'autre choix que d'&eacute;largir leur mutualit&eacute; d'assur&eacute;s pour r&eacute;partir mieux le risque sur l'ensemble du portefeuille. Plus la mutualisation est grande, plus le poids du risque support&eacute; par l'assureur est faible. En effet, sauf cas extraordinaires, il est tr&egrave;s peu probable qu'un sinistre de grande ampleur touche la totalit&eacute; d'un portefeuille de risque tr&egrave;s diversifi&eacute;. Prenons par exemple le cas d'un assureur vie : s'il a un portefeuille de risque qui couvre une zone g&eacute;ographique r&eacute;duite (pr&eacute;sence limit&eacute;e &agrave; une r&eacute;gion), il se trouvera tr&egrave;s expos&eacute;, par exemple, &agrave; un risque d'&eacute;pid&eacute;mie. En effet, si celle-ci se r&eacute;v&egrave;le extr&ecirc;mement contagieuse et entra&icirc;ne fr&eacute;quemment la mort, l'assureur a de fortes chances de subir un sinistre de tr&egrave;s grande ampleur &agrave; l'&eacute;chelle de tout son portefeuille. &Agrave; l'inverse, l'activit&eacute; d'un assureur vie pr&eacute;sent dans toutes les r&eacute;gions de France, voire m&ecirc;me implant&eacute; au niveau europ&eacute;en, serait relativement peu affect&eacute;e par une &eacute;pid&eacute;mie tr&egrave;s grave, mais limit&eacute;e &agrave; une ou deux r&eacute;gions. En effet, cet assureur pouvant compter sur un portefeuille de risques diversifi&eacute;s, en l'occurrence, c'est la diversification g&eacute;ographique qui importe, il ne se trouvera pas en difficult&eacute;s au moment de faire face &agrave; ladite &eacute;pid&eacute;mie. Cet exemple illustre le fait que la taille de la mutualit&eacute; d'un assureur lui permet de faire face &agrave; la perte de diversit&eacute; de son portefeuille. Par ailleurs, le principal risque encouru par les assureurs lors de l'entr&eacute;e en vigueur de ces directives tient aux comportements des clients d'assurance. D&egrave;s lors, l'un des p&eacute;rils pesant sur l'assurance est la perte de diversit&eacute; du portefeuille d'assur&eacute;. Or, d&eacute;sormais, les assureurs n'ont plus de marges de manœuvre aussi importantes qu'&agrave; l'accoutum&eacute;e en mati&egrave;re de tarification. Ils sont contraints par les autorit&eacute;s europ&eacute;ennes &agrave; appliquer un tarif unique pour tous les crit&egrave;res consid&eacute;r&eacute;s comme &eacute;tant discriminants. D&egrave;s lors, la composition du portefeuille va devenir un enjeu essentiel dans la recherche de profitabilit&eacute; des assureurs et l'un des moyens de conserver un portefeuille rentable malgr&eacute; ces risques d'antis&eacute;lection est une recherche de croissance de la mutualit&eacute; d'assur&eacute;s. Par ailleurs, l'une des principales cons&eacute;quences de l'interdiction d'utiliser les crit&egrave;res de tarification cit&eacute;s ci-dessus, qui p&egrave;sera lourdement sur les assur&eacute;s est, de toute &eacute;vidence, la hausse des primes d'assurance. Effectivement, les assureurs vont subir un double impact : dans un premier temps, ils ne pourront plus tarifer &agrave; leur guise, mais devront adopter des crit&egrave;res non discriminants ou des tarifs uniques. Ils vont donc perdre beaucoup en pr&eacute;cision de leur tarification. De cette perte de pr&eacute;cision dans la tarification na&icirc;tra une plus grande exposition aux risques comportementaux. C'est l&agrave; le second impact pour les assureurs. Pour faire face &agrave; ces deux &eacute;l&eacute;ments, les assureurs n'auront d'autre choix que d'augmenter sensiblement leurs primes. Ainsi, les assureurs pourront rester comp&eacute;titifs alors m&ecirc;me qu'ils seront plus expos&eacute;s &agrave; l'asym&eacute;trie d'information et que l'al&eacute;a p&egrave;sera plus fortement sur eux. &Agrave; l'&eacute;vidence donc, les instances europ&eacute;ennes s'engagent dans une lutte contre la discrimination suppos&eacute;e ou r&eacute;elle dans la prestation de services. Si le but poursuivi par la Commission est louable et ne peut &ecirc;tre remis en question, l'impact sur le client, lui, est fort et risque de le d&eacute;savantager. En effet, en perdant en qualit&eacute; de tarification, donc de s&eacute;lection et de segmentation, l'assureur devra prendre garde &agrave; rester comp&eacute;titif. Pour cela, la mesure qu'il devra in&eacute;luctablement prendre sera une hausse moyenne de ses prix. Cette hausse, en plus du d&eacute;s&eacute;quilibre initialement produit par la directive, va, &agrave; n'en pas douter, engendrer des risques comportementaux forts. Ainsi, il est &agrave; craindre que l'antis&eacute;lection ait un r&eacute;el effet sur le portefeuille des assureurs. Ces risques comportementaux vont contraindre les assureurs &agrave; augmenter encore leurs prix. Il s'agit d'un cercle vicieux. D&egrave;s lors, il devient urgent pour les compagnies d'assurance de r&eacute;fl&eacute;chir &agrave; de nouvelles strat&eacute;gies qui puissent leur permettre d'affronter ces directives.

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