Est-il besoin de rappeler la profonde mutation que le droit des sûretés a connue en 2006 ? L’objectif était notamment de favoriser l’aptitude du débiteur à se procurer du crédit et donc la disposition du créancier à le lui consentir. D’où une amélioration de la lisibilité des textes et, surtout, des innovations qui ont libéré les sûretés de certains carcans. Par exemple, la consécration du gage sans dépossession avec publicité légale a permis au constituant de conserver l’usage de son bien et corrélativement soulagé le créancier d’une obligation de conservation souvent peu adéquate à son activité. Une nouvelle étape se présente aujourd’hui, à travers l’avant-projet de réforme que la Direction des affaires civiles et du sceau a diffusé au mois de décembre 2020 dans l’objectif annoncé de parachever le travail accompli en 2006. Le texte, dont la version définitive devrait être connue d’ici quelques semaines, est largement inspiré des propositions du groupe de travail constitué sous l’égide de l’association Henri Capitant et présidé par le professeur Michel Grimaldi. Schématiquement, il contient deux volets, qui devront évidemment composer avec la réforme du droit des procédures collectives également en gestation.
Le premier volet concerne le cautionnement, qui n’avait pas pu être traité en 2006 pour des raisons tenant au périmètre de l’habilitation législative donnée au Gouvernement. Les apports y sont nombreux : mentions informatives, généralisation à toutes les cautions personnes physiques de l’exigence de proportionnalité ainsi que des obligations de mise en garde et d’information pesant sur le créancier professionnel, définition du cautionnement commercial, différentes modalités de la solidarité, élargissement des exceptions opposables par la caution, diligences imposées à celle-ci préalablement au paiement, incidence de la dissolution de la société débitrice, créancière ou caution, sur l’obligation de couverture, limitation de la durée d’action du créancier contre la caution du solde d’un compte courant ou de dépôt, suppression des recours anticipés, extension de certaines règles aux sûretés réelles pour autrui… S’ajoute une heureuse centralisation des règles au sein du Code civil, mettant fin à une effroyable dispersion.
Le deuxième volet de l’avant-projet a trait aux sûretés réelles. Là encore, d’importants changements sont à venir. Parmi ceux-ci, s’annonce une très nette percée de l’exclusivité, c’est-à-dire de la situation qui, à la différence du classique « droit de préférence », voue la sûreté au seul paiement du créancier sans concours avec les autres. Cette percée s’opère essentiellement à travers trois instruments. L’un d’eux, la cession de créance à titre de garantie, ne sera guère utilisé par les banques, déjà dotées du « Dailly ». Il les concerne néanmoins, précisément parce qu’il s’accompagne de la suppression d’une règle qui, retardant la prise d’effet de la cession de droit commun des créances futures, confère actuellement un temps d’avance au « Dailly ». Les deux autres instruments sont quant à eux étroitement liés à l’activité des banques. Il s’agit du nantissement de créance (et donc de compte bancaire), assez substantiellement refondu, et de la cession de somme d’argent à titre de garantie, consacrée au sein du Code civil. Le présent focus voudrait exposer l’essentiel de ces deux évolutions tout en élargissant la perspective sur les incidences concrètes de la réforme pour la profession bancaire.