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Directive AIFM

Quelles Perspectives pour les gestionnaires de Fonds d'investissement alternatifs établis dans un pays tiers ?

Créé le

07.10.2013

-

Mis à jour le

13.07.2017

Contraints aux méandres de la commercialisation sans passeport, seule alternative prévue par la directive et dont l’aménagement est laissé à l’unique discrétion des États membres, les gestionnaires établis dans un pays tiers à l’Union et désireux de commercialiser des fonds d’investissement alternatifs (FIA) au sein de cette dernière demeurent soumis à un cadre juridique complexe. Ce dispositif dérogatoire est néanmoins amené à évoluer au cours des années à venir pour, à terme, devenir similaire
à celui applicable aux gestionnaires européens bénéficiant du passeport.

Depuis le 22 juillet 2013, date limite de transposition de la directive AIFM, les gestionnaires de FIA agréés établis au sein de l’Union européenne (UE) et commercialisant des FIA de l’Union bénéficient du passeport européen. Le régime applicable aux gestionnaires établis dans des États tiers à l’Union revêt pour sa part un caractère évolutif. À un régime transitoire dépourvu de passeport européen (I.) succédera, dès 2015, et sous réserve d’une recommandation favorable de l’ AEMF [1] en ce sens, une mise en oeuvre du passeport combinée à un maintien de la possibilité de recourir à la commercialisation sans passeport (II.), avant que, dès 2018, l’AEMF ne se prononce sur la suppression du régime de commercialisation sans passeport au profit du seul mécanisme de passeport européen (III.).

 

I. PHASE TRANSITOIRE APPLICABLE DEPUIS LE 22 JUILLET 2013

 

1. L’absence d’agrément et de passeport européen

Les gestionnaires établis au sein d’un pays tiers à l’UE ne peuvent pas, en l’état actuel du droit, faire l’objet d’un agrément AIFM. La directive prévoit en effet explicitement que les dispositions relatives à l’agrément des gestionnaires de pays tiers ne doivent pas être, pour l’instant, transposées en droit interne par les États membres [2] . À défaut d’agrément, ces gestionnaires ne peuvent donc pas revendiquer l’application du passeport européen, lequel permet, rappelons-le, une libre commercialisation ainsi qu’une libre gestion des FIA au sein de l’Union. Le fait que ces gestionnaires aient recours à des FIA domiciliés au sein de l’Union est sans incidence sur un tel constat. Un gestionnaire établi aux États-Unis et souhaitant commercialiser un FIA luxembourgeois au sein de l’Union ne pourra guère bénéficier de l’agrément et du passeport qui lui est corrélatif. Notons que la notion d’agrément ici envisagée concerne uniquement l’agrément tel que conceptualisé par la directive AIFM, à savoir celui permettant le bénéfice corrélatif du passeport européen. A contrario, rien ne semble empêcher les États membres d’imposer un agrément national, autonome de celui envisagé par la directive, à destination des gestionnaires non européens de FIA.

Un tel dispositif trouve officiellement sa source dans la volonté de préalablement évaluer les incidences du passeport sur les gestionnaires européens commercialisant des FIA européens avant d’éventuellement en étendre les effets aux gestionnaires étrangers. Une telle exclusion génère néanmoins certaines distorsions de concurrence. Les gestionnaires européens bénéficient en effet d’un avantage comparatif non négligeable au travers d’un vaste espace de commercialisation accessible par l’intermédiaire de démarches administratives et juridiques considérablement limitées, tandis que les gestionnaires étrangers demeurent contraints de procéder à une commercialisation État membre par État membre en respectant des conditions pouvant considérablement varier d’un pays à un autre. La commercialisation dite « sans passeport » constitue ainsi la seule alternative offerte aux gestionnaires établis au sein de pays tiers dans l’optique d’accéder à la clientèle européenne.

La commercialisation de FIA peut ainsi potentiellement se faire selon deux méthodes, celle relative au passeport européen, réservée aux gestionnaires établis au sein de l’Union et commercialisant des FIA de l’Union (Art. 37 à 41 de la directive), et celle relative à la commercialisation sans passeport, à effectuer État par État, seule méthode applicable pour les gestionnaires étrangers (Art. 42 [3] ).

 

2. L’alternative au passeport proposée par l’article 42 de la directive AIFM

L’article 42 de la directive AIFM prévoit que les États membres « peuvent » autoriser des gestionnaires établis au sein de pays tiers à commercialiser, sur leur territoire uniquement, auprès d’investisseurs professionnels, des parts ou actions de FIA qu’ils gèrent.

En d’autres termes, chaque État membre demeure libre de créer un cadre juridique national permettant aux gestionnaires étrangers de commercialiser leurs FIA. Cette faculté est néanmoins strictement encadrée par la directive AIFM, laquelle prévoit notamment un socle minimum d’exigences à respecter pour permettre le recours à un tel processus de commercialisation sans passeport.

 

2.1. Obligations de transparence

L’article 42 précité précise que les gestionnaires étrangers doivent respecter les articles 22, 23 et 24 de la directive pour chaque FIA qu’ils commercialisent. Le gestionnaire est ainsi tenu à l’ensemble du dispositif AIFM relatif à la transparence, ce qui inclut notamment la rédaction d’un rapport annuel pour chaque FIA commercialisé au sein de l’Union (art. 22), une information adéquate des investisseurs potentiels du fonds, une information périodique de ces derniers une fois l’investissement effectué (art. 23) et enfin des obligations de comptes rendus à l’égard des autorités compétentes [4] (art. 24).

A contrario, cela signifie que la commercialisation dite « sans passeport » n’exige pas le respect de toutes les dispositions prévues par la directive AIFM. Les exigences de transparence précitées ainsi que les obligations applicables aux gestionnaires de FIA qui acquièrent le contrôle de sociétés non cotées sont les seules imposées aux gestionnaires étrangers par la directive AIFM. Les règles relatives à la désignation d’un dépositaire, à la mise en oeuvre des dispositifs de gestion des risques, de gestion de liquidité ou encore d’évaluation des actifs ne sont donc pas applicables.

Il semble cependant primordial de préciser que ce socle d’exigences est qualifié de « minimum », chaque État membre est en effet libre d’imposer des règles plus strictes. Cela signifie donc qu’un gestionnaire étranger désireux de commercialiser un FIA dans un État membre devra, au minimum et en vertu de la directive, respecter les obligations précitées, mais également toutes les exigences supplémentaires éventuellement ajoutées par l’État membre concerné. De nombreux États ont ainsi opté pour un régime renforcé applicable aux gestionnaires étrangers, voire un alignement sur le régime applicable aux gestionnaires européens. C’est d’ailleurs l’option choisie par la France dans la mesure où l’article D. 214-32 1° du Code monétaire et financier tel que rédigé postérieurement à l’ordonnance de transposition [5] de la directive précise que : « En application du second alinéa du I de l’article L. 214-24-1, la commercialisation en France de parts ou actions d’un FIA établi dans un État membre de l’UE ou dans un pays tiers, sans passeport, est subordonnée : 1° Au respect par la société de gestion agréée dans l’UE ou le gestionnaire établi dans un pays tiers des dispositions législatives et réglementaires applicables aux sociétés de gestion de portefeuille […] ».

 

2.2. Accord de coopération entre les autorités compétentes des États membres de commercialisation des FIA et celles des pays tiers d’établissement du gestionnaire et de domiciliation du FIA

La directive AIFM impose, dans le cadre de son socle initial d’exigences, l’existence de « modalités de coopération appropriées » entre d’une part les autorités de surveillance du ou des États membres au sein desquels est envisagée la commercialisation du fonds, et d’autre part celles des pays tiers où est établi le gestionnaire étranger.

En d’autres termes, si le gestionnaire est établi à New York et que le FIA concerné a vocation à être commercialisé en France, qu’il s’agisse d’un FIA revêtant une forme juridique issue du droit américain ou du droit français, un accord de coopération doit nécessairement lier l’autorité compétente américaine à l’Autorité des marchés financiers française.

La directive AIFM va même plus loin et précise que si le FIA commercialisé est domicilié dans un pays tiers différent du pays tiers d’établissement du gestionnaire, un accord de coopération doit également exister entre ce pays tiers et les États membres concernés par la commercialisation du fonds.

Dans l’illustration concrète précédente, cela signifie qu’un gestionnaire établi à New York souhaitant commercialiser une FIA domiciliée aux Bermudes en France doit veiller à ce qu’un accord de coopération existe non seulement entre les autorités compétentes des États-Unis et celles de France, mais également entre les autorités françaises et celles des Bermudes.

Enfin, ces accords de coopération doivent exister entre les autorités compétentes de chaque État membre au sein desquels la commercialisation du fonds est effectuée. Dans notre exemple, si le FIA est également commercialisé en Allemagne, le gestionnaire américain doit veiller à ce qu’un accord entre les autorités compétentes françaises et allemandes existe.

Le règlement délégué de la Commission n° 231/2013 du 19 décembre 2012 complétant la Directive AIFM précise que ces modalités de coopération doivent être fixées par écrit et doivent établir un cadre spécifique pour la consultation, la coopération et l’échange d’informations, à des fins de surveillance. Une clause doit également être insérée et prévoir le transfert des informations reçues par l’autorité compétente d’un État membre aux autorités compétentes des autres États membres, à l’AEMF et au CESR [6] .

Le règlement précise l’influence concrète de telles modalités de coopération en mentionnant le fait que ces dernières doivent être à l’origine de « mécanismes, instruments et procédures » adéquats afin de permettre aux autorités compétentes de l’Union d’avoir accès aux informations nécessaires au respect des obligations posées par la directive AIFM [7] . Ces modalités doivent assurer la faculté, pour les autorités compétentes de l’Union, d’effectuer des inspections sur place si nécessaire.

L’Autorité européenne des marchés financiers a été mandatée par les différentes autorités compétentes de chaque État membre pour négocier en leur nom et pour leur compte ce type d’ accords [8] . Plus de 30 accords ont été signés à ce jour, notamment avec les autorités des États et territoires suivants : États-Unis, Bermudes, Albanie, Australie, Maroc, Canada, Îles Caïmans, Kenya, Tanzanie, Mexique, Brésil, Dubaï, Suisse, Maurice, Labuan, Îles Vierges, Guernesey, Île de Man, Jersey, Hong Kong, Israël, Japon, Malaisie, Bahamas, Émirats Arabes Unis, Inde, Monténégro, Pakistan, Thaïlande, Macédoine ou encore Singapour [9] . Il est ainsi paradoxal de constater que les principaux territoires offshore de domiciliation des fonds tels que les Îles Caïmans, les Îles Vierges ou encore les Bermudes, généralement réputés pour leur opacité, ont rapidement adhéré à ce modèle de coopération. La perspective de ne plus pouvoir permettre l’accès des FIA domiciliés sur leur territoire à la clientèle européenne a ainsi probablement joué un rôle incitatif fort dans l’établissement rapide de tels accords.

La directive AIFM mentionne, sans plus de précision, que ces modalités de coopération doivent être conformes aux « normes internationales ». Sont ici concernés les principes édictés par l’Organisation internationale des commissions de valeurs (en anglais, IOSCO [10] ). Cette organisation regroupe les régulateurs des principales bourses dans le monde. Son principal objectif est d’établir des standards internationaux destinés à renforcer l’efficacité et la transparence des marchés de valeurs mobilières, protéger les investisseurs et faciliter la coopération entre les régulateurs afin de lutter contre la criminalité financière. En ce sens, les accords de coopération négociés par l’AEMF dans cette perspective sont explicitement fondés sur ce modèle [11] . L’AEMF a d’ailleurs élaboré un guide dans l’optique d’encadrer au mieux ces types d’accords : « Guidelines on the model MoU concerning consultation, cooperation and the exchange of information related to the supervision of AIFMD entities [12] ».

 

2.3. L’absence de mention du pays tiers sur la liste des pays et territoires non coopératifs

Le groupe d’Action Financière (GAFI), organisme intergouvernemental de lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme créé par le G7 de Paris en 1989, publie et tient à jour une liste de « juridictions » présentant des « défaillances stratégiques » au regard de différents critères, au premier rang desquels figurent le blanchiment d’argent et le terrorisme. La déclaration publique du GAFI en date du 22 juin 2013 mentionne les États et territoires suivants : Iran, République populaire démocratique de Corée, Équateur, Éthiopie, Indonésie, Kenya, Myanmar, Pakistan, Sao Tomé-et-Principe, Syrie, Tanzanie, Turquie, Vietnam, Yémen.

La directive AIFM précise que le gestionnaire, pour pouvoir bénéficier du régime de commercialisation sans passeport, ne doit pas être établi au sein de l’un des pays présent sur la liste ainsi publiée. La domiciliation du fonds choisie par le gestionnaire ne doit également pas correspondre à l’un des pays mentionnés.

Le régime de commercialisation sans passeport est ainsi strictement encadré par la directive AIFM. Notons à titre informatif que les gestionnaires établis au sein de pays tiers à l’Union ne sont pas les seuls concernés par un tel régime dérogatoire. En effet, les gestionnaires établis au sein de l’Union mais commercialisant des FIA domiciliés dans un État tiers ne bénéficient pas, eux non plus, du passeport européen. Les conditions de base leur étant obligatoirement imposées par la directive sont néanmoins plus denses dans la mesure où ces gestionnaires sont établis au sein de l’Union et donc, de par ce fait, soumis à la majeure partie des obligations mentionnées par la directive [13] . Les exigences relatives aux modalités de coopération en matière financière et à l’absence de mention sur la liste publiée par le GAFI demeurent également applicables s’agissant des États et territoires choisis par le gestionnaire pour domicilier ses fonds lorsque ceux-ci sont destinés à une commercialisation au sein de l’UE.

 

II. SITUATION POSTÉRIEURE AU 22 JUILLET 2015

 

1. Agrément et instauration du passeport à l’égard des gestionnaires établis dans un pays tiers

Conformément à l’article 67 de la directive AIFM, l’AEMF est supposée, au plus tard le 22 juillet 2015, adresser aux institutions européennes un avis relatif au fonctionnement du passeport européen et des mécanismes de commercialisation nationaux ainsi qu’une recommandation concernant l’éventuelle extension du passeport aux gestionnaires étrangers et aux gestionnaires européens commercialisant des FIA domiciliés au sein d’un pays tiers.

Si l’AEMF considère qu’« il n’existe pas d’obstacles significatifs en termes de protection des investisseurs, de perturbation du marché, de concurrence et de suivi du risque systémique » susceptibles d’entraver l’extension du mécanisme de passeport européen, elle émettra une recommandation positive à cet égard [14] . La Commission européenne adoptera alors, dans les trois mois, un acte délégué entérinant un tel changement.

Cependant, pour ainsi bénéficier du passeport, les gestionnaires établis dans un pays tiers devront respecter l’ensemble de la directive AIFM. La directive prévoit ainsi l’extension du mécanisme d’agrément à ces gestionnaires – « cette règle devrait garantir des règles du jeu équitables entre les gestionnaires établis dans l’Union et les gestionnaires établis dans un pays tiers [15] » –, reconnaissant ainsi implicitement le déséquilibre existant, durant la phase transitoire, entre ces deux types de gestionnaires.

Les gestionnaires étrangers accéderont ainsi au passeport européen relatif tant à la commercialisation des FIA, européens ou de pays tiers, qu’à la gestion de fonds alternatifs, sous réserve d’obtenir un agrément.

Le processus d’agrément des gestionnaires étrangers est en grande partie similaire à celui des gestionnaires européens. Néanmoins, certaines exigences supplémentaires concernant le pays tiers dans lequel le gestionnaire est établi et, le cas échéant, le pays tiers du FIA, sont instaurées.

L’article 37 de la directive précise ainsi que les gestionnaires étrangers doivent désigner un « État membre de référence » au sein de l’Union et disposer au sein de ce dernier d’un « représentant légal », lequel constitue le point de contact du gestionnaire dans l’Union. Toute correspondance officielle entre les autorités compétentes et le gestionnaire ou encore entre les investisseurs et le gestionnaire ont lieu par l’intermédiaire de ce représentant [16] .

La notion d’État membre de référence peut représenter diverses réalités. De façon abstraite, il s’agit de l’État de l’UE au sein duquel seront réalisées les principales démarches, notamment liées à l’agrément du gestionnaire, l’obtention du passeport… Cet État de référence n’est cependant pas librement désignable par le gestionnaire étranger. En effet, en vertu de la directive AIFM, les circonstances factuelles déterminent l’État de référence compétent. Ainsi, à titre illustratif, si un gestionnaire étranger souhaite gérer un FIA luxembourgeois sans en envisager la commercialisation dans d’autres pays, l’État membre d’origine du FIA, le Luxembourg, sera nécessairement considéré comme État de référence [17] . De même, si le gestionnaire étranger a l’intention de gérer des FIA domiciliés dans différents pays de l’UE, l’État de référence sera, au choix du gestionnaire, soit celui au sein duquel la majorité des FIA est établie, soit celui au sein duquel le plus grand volume d’actifs est géré. La logique est similaire s’agissant non pas de la gestion de FIA, mais de la commercialisation de FIA au sein de l’Union. L’article 37, 4° de la directive AIFM énumère ainsi les multiples hypothèses pouvant concerner les gestionnaires étrangers et, pour chacune d’elle, mentionne la méthode de désignation de l’État membre de référence. Notons qu’il est possible que plusieurs États membres de référence soient désignables. Dans de telles hypothèses, les autorités compétentes de chaque État membre de référence potentiel s’accordent pour accorder cette qualité à l’un de ces États.

La demande d’agrément du gestionnaire établi dans un pays tiers est ainsi adressée à l’État membre de référence. L’autorité compétente de cet État vérifiera le respect de nombreuses exigences. L’ensemble des dispositions de la directive AIFM devra être respecté dans l’optique d’un agrément.

Des modalités de coopération appropriées devront, ici encore, exister entre les autorités compétentes de l’État où est établi le gestionnaire, celles de l’État de référence au sein de l’Union et celles de l’État de domiciliation des fonds si ce dernier est différent de ceux précédemment cités. De même, le pays d’établissement du gestionnaire ou des fonds ne doit pas figurer sur la liste des pays et territoires non coopératifs du GAFI.

L’agrément d’un gestionnaire établi dans un pays tiers requiert également le respect d’une condition supplémentaire. En effet, l’article 37 de la directive AIFM précise que le pays tiers au sein duquel le gestionnaire est établi doit avoir signé avec l’État membre de référence un accord respectant l’article 26 du modèle OCDE de convention fiscale concernant le revenu et la fortune et garantissant un échange efficace d’informations en matière fiscale. L’article 26 du modèle OCDE précité concerne l’échange bilatéral de renseignements à des fins fiscales. Il prévoit une obligation d’échanger des renseignements vraisemblablement considérés comme pertinents pour l’application correcte d’une convention fiscale ainsi que pour la gestion et l’application des législations fiscales nationales des États contractants. Dans cette optique, l’État formulant une demande de renseignements doit d’abord démontrer qu’il a préalablement mis en oeuvre tous les moyens dont il dispose dans le cadre national afin de se procurer les informations concernées. Afin d’éviter toute demande excessive de la part d’un État, ce dernier doit également démontrer la pertinence de sa requête [18] .

La coopération entre les États est, à la différence du modèle fondé sur la commercialisation sans passeport, articulée autour de deux volets. L’un, ancien, est essentiellement relatif à la supervision et à la gestion du risque systémique et concerne en ce sens les autorités compétentes des États concernés tandis que l’autre, nouveau, traite du domaine fiscal et concerne donc les autorités fiscales des États.

Le respect de ces exigences permettra l’obtention d’un agrément et rendra ainsi possible la commercialisation de FIA avec passeport.

 

2. Cohabitation du mécanisme de placement privé et du passeport européen

Les régimes nationaux de commercialisation sans passeport n’ont pas vocation à disparaître avec l’éventuelle instauration du passeport à l’égard des gestionnaires étrangers dès 2015. En effet, la directive AIFM prévoit la cohabitation des deux régimes durant une période transitoire débutant dès 2015 pour cesser, en principe, trois ans plus tard, soit en 2018.

Les gestionnaires établis dans un pays tiers disposeront ainsi d’une option durant cette période transitoire. Ils pourront, en fonction de leur stratégie ou encore de leur périmètre de commercialisation, choisir entre le passeport européen et un régime national de commercialisation sans passeport. L’option pour le passeport permettra d’accéder aux différents marchés européens rapidement et à moindres frais, mais nécessitera le respect de l’ensemble des dispositions de la directive AIFM. Un choix en faveur d’un régime national de commercialisation ne permettra pas l’accès à un tel marché européen mais permettra potentiellement au gestionnaire de ne pas avoir à respecter l’ensemble du dispositif réglementaire prévu par la directive. En effet, comme nous l’avons vu précédemment, chaque État membre demeure libre d’établir les règles qui lui semblent adaptées sur son territoire, sous réserve d’un socle réglementaire impératif lié à la transparence. Certains États peuvent ainsi décider de créer un régime national de commercialisation moins contraignant que le régime juridique engendré par la directive AIFM, tandis que d’autres ont décidé d’aligner les dispositifs.

Dès lors, un gestionnaire établi dans un pays tiers désireux de commercialiser un FIA dans un seul État membre pourrait très bien, si l’État membre concerné a créé un régime national de commercialisation peu contraignant, décider de favoriser un placement national au sein de cet État sans opter pour le régime du passeport européen. À l’inverse, si la commercialisation concerne un État membre qui a décidé d’aligner les régimes de commercialisation sans passeport et avec passeport, le gestionnaire concerné aura tout intérêt à opter pour le mécanisme du passeport.

 

III. SITUATION POSTÉRIEURE AU 22 JUILLET 2018

Trois ans après l’éventuelle instauration du passeport européen au profit des gestionnaires étrangers et des gestionnaires européens de FIA de pays tiers commercialisés au sein de l’UE, l’AEMF adressera au Parlement européen, au Conseil et à la Commission une recommandation concernant la fin de l’existence des systèmes nationaux de commercialisation sans passeport [19] .

Sur la base de cette recommandation, et à condition que cette dernière abonde en ce sens, un acte délégué supprimant les régimes nationaux précités pourra être adopté. Si tel est le cas, seul le mécanisme de passeport européen, conditionné à l’agrément des gestionnaires concernés, subsistera à compter de juillet 2018.

 

L’ensemble du régime juridique prévu à l’égard des gestionnaires étrangers par la directive AIFM est pourvu d’un champ d’application temporel difficilement appréhendable. La complexité inhérente à ce cadre juridique n’est pas sans générer une certaine confusion. Les gestionnaires étrangers de FIA sont ainsi confrontés à divers arbitrages parmi lesquels figure l’éventualité d’une migration au sein de l’Union dans l’optique de bénéficier du mécanisme de passeport européen avant que l’AEMF ne se prononce sur l’extension du périmètre de ce dernier, ou encore l’option pour une commercialisation sans passeport, État membre par État membre, en favorisant les régimes nationaux les moins contraignants. Dans un tel contexte, espérons que la clientèle européenne constitue une denrée suffisamment précieuse pour justifier, à l’égard des gestionnaires étrangers du domaine alternatif, une adaptation à ce cadre juridique nouveau.

 

1 Autorité européenne des marchés financiers. 2 L’article 66 3° de la directive prévoit ainsi que les articles 35 et 37 à 41 ne doivent pas faire l’objet d’une transposition immédiate. 3 C’est également le seul procédé pour l’instant applicable aux gestionnaires établis au sein de l’Union mais commercialisant des FIA étrangers au sein de l’UE. 4 Compte rendu relatif aux principaux marchés sur lesquels le gestionnaire négocie, sur les instruments utilisés, sur les principales expositions, sur les modifications du dispositif relatif à la liquidité, sur le pourcentage d’actifs du FIA qui font l’objet d’un traitement spécial du fait de leur nature non liquide, sur les résultats des simulations de crise ou encore sur les profils de risque des FIA (Liste exhaustive à l’article 24 de la directive). 5 Ordonnance 2013- 676 publiée au JO du 27 juillet 2013. 6 Règlement délégué du 19 décembre 2012, art. 113. 7 Règlement délégué du 19 décembre 2012, art. 114. 8 AMF, Directive AIFM, impacts et opportunités pour la gestion française, 17 janvier 2013. 9 ESMA, ESMA finalises supervisory cooperation agreements for alternative investment funds, juillet 2013. 10 International Organization of Securities Commissions, Multilateral memorandum of understanding concerning consultation and cooperation and the exchange of information. 11 Pour une illustration, voir l’accord conclu avec l’autorité suisse (FINMA) : EU and Swiss regulators to co-operate on cross-border supervision of alternative investment funds, Press Release, 3 décembre 2012. 12 http://www.esma.europa.eu/system/files/2013-998_guidelines_on_the_model_ mous_concerning_aifmd.pdf. 13 En effet, ces gestionnaires devront respecter l’ensemble des dispositions de la directive AIFM, à l’exception des exigences relatives au dépositaire. Cependant, ces gestionnaires établis dans l’Union devront veiller à ce qu’une ou plusieurs entités soient désignées pour exécuter les missions de dépositaire (Considérant 63, directive AIFM). 14 Directive AIFM, art. 67, 4. 15 Directive AIFM, considérant 64. 16 Directive AIFM, art. 37, 3. 17 Directive AIFM, art. 37, 4 a). 18 OCDE, Modèle de convention fiscale sur le revenu et la fortune : « Échange de renseignements », article 26. 19 Directive AIFM, art. 68.

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Notes :
11 Pour une illustration, voir l’accord conclu avec l’autorité suisse (FINMA) : EU and Swiss regulators to co-operate on cross-border supervision of alternative investment funds, Press Release, 3 décembre 2012.
12 http://www.esma.europa.eu/system/files/2013-998_guidelines_on_the_model_ mous_concerning_aifmd.pdf.
13 En effet, ces gestionnaires devront respecter l’ensemble des dispositions de la directive AIFM, à l’exception des exigences relatives au dépositaire. Cependant, ces gestionnaires établis dans l’Union devront veiller à ce qu’une ou plusieurs entités soient désignées pour exécuter les missions de dépositaire (Considérant 63, directive AIFM).
14 Directive AIFM, art. 67, 4.
15 Directive AIFM, considérant 64.
16 Directive AIFM, art. 37, 3.
17 Directive AIFM, art. 37, 4 a).
18 OCDE, Modèle de convention fiscale sur le revenu et la fortune : « Échange de renseignements », article 26.
19 Directive AIFM, art. 68.
1 Autorité européenne des marchés financiers.
2 L’article 66 3° de la directive prévoit ainsi que les articles 35 et 37 à 41 ne doivent pas faire l’objet d’une transposition immédiate.
3 C’est également le seul procédé pour l’instant applicable aux gestionnaires établis au sein de l’Union mais commercialisant des FIA étrangers au sein de l’UE.
4 Compte rendu relatif aux principaux marchés sur lesquels le gestionnaire négocie, sur les instruments utilisés, sur les principales expositions, sur les modifications du dispositif relatif à la liquidité, sur le pourcentage d’actifs du FIA qui font l’objet d’un traitement spécial du fait de leur nature non liquide, sur les résultats des simulations de crise ou encore sur les profils de risque des FIA (Liste exhaustive à l’article 24 de la directive).
5 Ordonnance 2013- 676 publiée au JO du 27 juillet 2013.
6 Règlement délégué du 19 décembre 2012, art. 113.
7 Règlement délégué du 19 décembre 2012, art. 114.
8 AMF, Directive AIFM, impacts et opportunités pour la gestion française, 17 janvier 2013.
9 ESMA, ESMA finalises supervisory cooperation agreements for alternative investment funds, juillet 2013.
10 International Organization of Securities Commissions, Multilateral memorandum of understanding concerning consultation and cooperation and the exchange of information.