Pour un score carbone

Dans son discours devant la Lloyd&rsquo;s of London, le 29 septembre 2015, Mark Carney, alors gouverneur de la Banque d&rsquo;Angleterre, s&rsquo;inqui&eacute;tait de la &laquo; trag&eacute;die des horizons &raquo;&thinsp;: les co&ucirc;ts des catastrophes li&eacute;es au r&eacute;chauffement de la plan&egrave;te appara&icirc;tront &agrave; long terme, tandis que les horizons de placement des investisseurs, ou des politiques mon&eacute;taires des r&eacute;gulateurs, sont bien plus proches. Les risques auxquels la finance fera face &agrave; cause du changement climatique sont pourtant bien r&eacute;els. Comment r&eacute;concilier les horizons financiers et climatiques&thinsp;? Les limites de la notation ESG Depuis 1997, en France, les investisseurs ont recours aux notations ESG&thinsp;: elles sont cens&eacute;es orienter leurs d&eacute;cisions d&rsquo;investissement. Aujourd&rsquo;hui, nous faisons le constat de la complexit&eacute; et de l&rsquo;&eacute;puisement de la notation ESG&thinsp;: elle se r&eacute;v&egrave;le d&eacute;sormais inadapt&eacute;e pour r&eacute;pondre au d&eacute;fi climatique, qui impose sa loi physique : elle consiste &agrave; r&eacute;duire les &eacute;missions de CO2, non &agrave; augmenter une note ESG. Les notations ESG se sont multipli&eacute;es et elles se contredisent [1] . Cens&eacute;es guider l&rsquo;investisseur, le consommateur et l&rsquo;entreprise elle-m&ecirc;me, elles cr&eacute;ent de la confusion. Les limites de la notation ont &eacute;t&eacute; &eacute;tudi&eacute;es par Florian Berg, un chercheur de la MIT Sloan School of Management, dans une &eacute;tude devenue fameuse, publi&eacute;e en ao&ucirc;t 2019 [2] . Il en identifie deux majeures : les biais &laquo; de l&rsquo;&eacute;valuateur &raquo; et le manque de transparence des agences dans la construction des notes ESG. Les tentatives du r&eacute;gulateur de rassurer les investisseurs et &eacute;pargnants en cr&eacute;ant des labels n&rsquo;ont pas tout r&eacute;gl&eacute;. Au moment o&ugrave; la notation ESG alimente le greenwashing, il est temps de changer de m&eacute;thode. Le besoin d&rsquo;un langage commun Depuis 2010, la loi Grenelle II impose une obligation de reporting RSE pour les entreprises cot&eacute;es et celles d&eacute;passant certains seuils (plus de 500 employ&eacute;s et plus de 100 millions d&rsquo;euros de chiffre d&rsquo;affaires ou de bilan). Depuis 2016, la loi de transition &eacute;nerg&eacute;tique impose, dans son article 173-IV, d&rsquo;int&eacute;grer &agrave; ce reporting &laquo; les postes significatifs d&rsquo;&eacute;missions directes et indirectes sur l&rsquo;ensemble de la cha&icirc;ne de valeur, c&rsquo;est-&agrave;-dire comprenant l&rsquo;amont et l&rsquo;aval de son activit&eacute; &raquo;. Ces lois enclenchent de nouveaux comportements, comme l&rsquo;exclusion du charbon. Mais Novethic souligne que la loi n&rsquo;unifie pas la mesure&thinsp;: certains rapports (pour ceux qui le font) indiquent les &eacute;missions de CO2 par million d&rsquo;euros investi, ou de chiffre d&rsquo;affaires, ou de PIB, ou m&ecirc;me &agrave; l&rsquo;unit&eacute; de production [3] . Il s&rsquo;ensuit in&eacute;vitablement une absence de comparabilit&eacute; pour les investisseurs et une confusion encore plus grande. Ces r&egrave;glements n&rsquo;ont pas enclench&eacute; de changement syst&eacute;mique. Pourquoi les discours alarmistes des scientifiques ne suffisent-ils pas &agrave; faire &eacute;voluer le monde de la finance et des entreprises&thinsp;? L&rsquo;explication nous semble tenir au fait que les deux parties ne parlent pas le m&ecirc;me langage&thinsp;: les uns parlent de degr&eacute;s, de tonnes, quand les autres parlent en euros. Il manque une langue commune. Parlons d&rsquo;euros, comme si la Nature envoyait sa facture Axylia est parti d&rsquo;une id&eacute;e&thinsp;: convertir les &eacute;missions de CO2 en euros. Pour &eacute;tablir la facture carbone, Axylia prend en compte l&rsquo;ensemble des scopes, dans un souci d&rsquo;exhaustivit&eacute; et d&rsquo;int&eacute;grit&eacute;&thinsp;: &ndash; le scope 1 concerne les &eacute;missions directes d&rsquo;une entreprise (combustion de gaz, p&eacute;trole&hellip;)&thinsp;; &ndash; le scope 2 rassemble les &eacute;missions indirectes d&rsquo;une entreprise li&eacute;es &agrave; sa combustion d&rsquo;&eacute;nergie (consommation d&rsquo;&eacute;lectricit&eacute;...) ; &ndash; le scope 3, encore peu r&eacute;glement&eacute; et peu pris en compte, comprend les &eacute;missions indirectes d&rsquo;une entreprise en amont (achat de mati&egrave;res premi&egrave;res...) et en aval (utilisation des produits vendus&hellip;). Valoris&eacute;e sur la base des estimations du GIEC, chaque tonne de CO2 &eacute;mise d&eacute;grade ainsi le r&eacute;sultat d&rsquo;exploitation de l&rsquo;entreprise, pour parvenir &agrave; un r&eacute;sultat &laquo; ajust&eacute; du carbone &raquo;, comme si la nature avait envoy&eacute; sa facture &agrave; l&rsquo;entreprise. Instantan&eacute; financier, ce stress-test permet de savoir dans quelle mesure le b&eacute;n&eacute;fice de l&rsquo;entreprise est d&eacute;pendant de ses &eacute;missions de CO2 et de mesurer son risque carbone. Le Score Carbone&reg; Axylia, de A &agrave; F, mat&eacute;rialise alors ce risque carbone. Jusqu&rsquo;au Score Carbone&reg; C, la &laquo; facture carbone &raquo; est assum&eacute;e par son b&eacute;n&eacute;fice&thinsp;; au-del&agrave;, l&rsquo;entreprise passe en perte. Et, quand une entreprise n&rsquo;est pas suffisamment transparente pour permettre de mesurer avec fiabilit&eacute; ses &eacute;missions, son score n&rsquo;est pas calcul&eacute;. Calcul&eacute; en dynamique en int&eacute;grant les engagements de r&eacute;duction des &eacute;missions de CO2, le Score indique la transformation que conna&icirc;tra l&rsquo;entreprise et, le cas &eacute;ch&eacute;ant, les efforts &agrave; mener pour que son activit&eacute; soit r&eacute;ellement responsable. Pour l&rsquo;investisseur et l&rsquo;&eacute;pargnant, c&rsquo;est une m&eacute;thodologie compr&eacute;hensible sur la viabilit&eacute; environnementale de l&rsquo;entreprise. Pour l&rsquo;entreprise, le score est un stress-test pr&eacute;cieux pour &eacute;valuer la r&eacute;sistance de son r&eacute;sultat au risque climatique et d&eacute;finir en retour une politique RSE ajust&eacute;e et cr&eacute;dible. 40 % des entreprises du CAC40 posent probl&egrave;me Aujourd&rsquo;hui, pr&egrave;s de la moiti&eacute; des 1 800 milliards d&rsquo;euros de capitalisation boursi&egrave;re de l&rsquo;indice CAC40 pose probl&egrave;me, principalement pour des raisons de transparence (15%), essentiellement sur les &eacute;missions du scope 3 et pour les banques : parmi elles, BNP Paribas et la Soci&eacute;t&eacute; G&eacute;n&eacute;rale sont concern&eacute;es, mais on trouve aussi dans ce p&eacute;rim&egrave;tre des groupes comme Publicis. Parall&egrave;lement, 25 % de la capitalisation ont un Score Carbone n&eacute;gatif (D, E et F). Tel est le cas pour Total, mais &eacute;galement tout le secteur automobile (Renault, Stellantis, Michelin). Carrefour est &eacute;galement sous la moyenne. Il ne faut toutefois pas s'arr&ecirc;ter aux trains qui n'arrivent pas &agrave; l'heure : sur l'ensemble du p&eacute;rim&egrave;tre du CAC 40, 50 % est class&eacute; en A, score revu &agrave; la hausse si l'on se focalis&eacute; aux seules soci&eacute;t&eacute;s not&eacute;es.. Partant de ces notations, Axylia a calcul&eacute; un indice boursier, le V&eacute;rit&eacute;40. Par m&eacute;thodologie, il n&rsquo;inclut que des Scores Carbone &laquo; positifs &raquo; de A, B ou C. En r&eacute;alit&eacute;, les C sont ultra-minoritaires, repr&eacute;sent&eacute;s seulement par deux titres : Air Liquide et Danone, ce dernier ayant mis en place un indicateur int&eacute;gr&eacute; &laquo; vert &raquo; (le b&eacute;n&eacute;fice par action ajust&eacute; du carbone. Sur le p&eacute;rim&egrave;tre du V&eacute;rit&eacute; 40, les &eacute;missions de CO2 sont r&eacute;duites de 80 %, soit un progr&egrave;s consid&eacute;rable par rapport aux -15 % d&rsquo;une notation ESG, utilis&eacute;e par la tr&egrave;s large majorit&eacute; des fonds ISR. &Agrave; premi&egrave;re vue, la performance boursi&egrave;re n&rsquo;est pas impact&eacute;e n&eacute;gativement : +11 % contre -2 % pour l&rsquo;indice CAC40 en 2020. Nous avons le projet de lancer un fonds de placement investi sur ce gisement. 1 https://www.researchaffiliates.com/en_us/publications/articles/what-a-difference-an-esg-ratings-provider-makes.html. 2 &laquo; Aggregate Confusion&thinsp;: The Divergence of ESG Ratings &raquo;, MIT Sloan School Working Paper 5822-19, ao&ucirc;t 2019. 3 Novethic, &laquo; 173 nuances de reporting &raquo;, novembre 2017.

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La notation ESG, censée orienter les investissements dans une direction vertueuse, montre ses limites et alimente le greenwashing. Peut-on faire coïncider les horizons financiers et climatiques ?

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