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L’Europe financière à la croisée des chemins

Créé le

19.11.2019

« La nécessité nous délivre de l’embarras du choix » disait Vauvenargues.

La relance et la refondation du projet d’Union des marchés de capitaux (UMC) semblent tenir de cet adage. D’une part, le Brexit commande de repenser le plan d’action lancé en 2015 par la Commission européenne, qui se fondait sur la puissance de la Place de Londres, et sa centralité pour l’Union européenne (UE). D’autre part, l’accroissement des contraintes imposées aux banques – et singulièrement aux banques européennes – par la réglementation bâloise va mécaniquement et sans doute durablement limiter leur capacité de prêt. Or, il semble évident que les besoins de financements européens vont augmenter à un rythme soutenu dans un avenir proche, afin d’assurer la transition vers une énergie décarbonée et l’adaptation de l’économie, de la société et des infrastructures au changement climatique, au vieillissement de la population et à la révolution digitale.

Les acteurs européens sont bien conscients de l’urgence de cette refondation : de nombreuses instances professionnelles ou groupes de travail de haut niveau ont annoncé leurs propositions dans cet objectif ; tous soulignent le caractère stratégique de ce projet, la nécessité de le porter au plus haut niveau politique avec une vision claire de ce que l’Europe veut faire de son secteur financier et de ses marchés. Tous insistent également sur la nécessité d’une mobilisation générale : qu’il s’agisse des instances européennes, des États membres ou de l’industrie elle-même, chacun dans son registre devra travailler à la construction de l’UMC.

Certes, la première phase du projet UMC a permis d’avancer dans certains domaines. La création de cadres européens pour la portabilité des produits de retraites (PEPP), pour les covered bonds, les fonds de Venture Capital (EuVECA) ou la restructuration préventive des entreprises sont autant de pas dans la bonne direction.

Mais il faut désormais aller plus loin. La refondation de l’UMC doit s’appuyer sur une vision de long terme, qui dépasse l’horizon d’une mandature. À cet égard, certaines propositions – dont celles que retrace ce nouveau hors-série de Revue Banque réalisé en partenariat avec l’AMAFI – semblent d’ores et déjà consensus :

– ouvrir plus largement l’accès des marchés à tous les acteurs économiques, notamment les épargnants et les PME ;

– favoriser l’épargne longue ou relancer la titrisation de manière plus ambitieuse.

D’autres, tout aussi indispensables, supposeront d’avancer vers davantage d’intégration européenne, qu’il s’agisse :

– d’harmoniser la supervision des marchés européens ;

– de rendre l’imposition des investisseurs plus cohérente ;

– de renforcer le rôle de monnaie internationale de l’euro ; ou

– d’accroître le partage public des risques dans l’Union, notamment au travers de la mise en place d’un unique actif sans risque à l’échelle européenne.

Reste aussi à achever l’Union bancaire, bloquée depuis maintenant de longs mois autour de son troisième pilier, le système européen de garantie des dépôts. Souhaitons que les déclarations récentes du ministre allemand des finances marquent un nouvel élan dans ce domaine.

La nouvelle mandature européenne doit être l’occasion pour tous les acteurs européens de repartir sur des bases nouvelles, d’engager des réformes ambitieuses, avec une vision fédératrice pour développer des marchés de capitaux européens efficaces et intégrés. Les difficultés et les obstacles seront nombreux, et ils ne sauraient être mésestimés. Mais les risques associés à un refus de ce choix sont bien plus redoutables encore, car ils sont ceux d’une Europe obligée de se reposer sur d’autres pour faire face aux défis de son avenir, et durablement marginalisée entre le bloc anglo-saxon et le bloc chinois.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº838bis