1. Lors de la mise en place de l’Union bancaire, et plus spécialement du Mécanisme de surveillance unique, la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme semblait encore largement entre les mains des autorités nationales de surveillance. Certes, le Mécanisme de surveillance unique envisage un retrait disciplinaire d’agrément lorsqu’un établissement de crédit commet l’une des infractions mentionnées à l’article 67 § 1 de la directive 2013/362. L’article 67 § 1 o) vise précisément le cas où un établissement de crédit a été déclaré responsable d’une infraction grave aux dispositions nationales adoptées en vertu de la directive 2005/60 du 26 octobre 2005 relative à la prévention de l’utilisation du système financier aux fins du blanchiment de capitaux et du financement du terrorisme3. La BCE n’hésite pas à faire usage de ce pouvoir particulièrement important4, puisqu’il conduit purement et simplement à la liquidation de l’établissement concerné. Et les juges de l’Union européenne confortent la place désormais essentielle occupée par les autorités européennes5, et plus spécialement par la BCE en la matière.
2. L’établissement estonien dont l’agrément avait été retiré par la BCE dans la présente affaire appartenait à la catégorie des établissements relevant de la surveillance des autorités nationales en application de l’article 6 du Règlement n° 1024/20136. À l’issue de plusieurs inspections, l’autorité nationale de surveillance avait constaté des violations répétées des règles de la LCB/FT. Elle avait relevé l’inefficacité de son régime de gestion des risques et l’inadéquation de ses dispositifs de gouvernance, la conduisant à adresser à la BCE une proposition de retrait d’agrément de l’établissement le 8 février 2018. Le 6 mars 2018, le Conseil de surveillance de la BCE avait approuvé le projet de décision de retrait de l’agrément, décision ensuite confirmée par la commission administrative de réexamen de la BCE le 17 juillet 2018. L’établissement a alors engagé devant le Tribunal de l’Union européenne des recours afin d’obtenir l’annulation de ces deux décisions. Ses recours ayant été rejetés, la requérante a saisi la Cour de justice pour tenter, sans plus de succès, d’obtenir gain de cause. La Cour de justice, comme l’avait déjà fait le Tribunal de l’Union européenne à plusieurs reprises, rappelle que même s’agissant d’établissements relevant de la surveillance nationale, la BCE dispose d’une compétence exclusive pour prononcer le retrait de l’agrément d’un établissement de crédit, quelle que soit son importance. Les autorités nationales ne disposent que du pouvoir de proposer le retrait d’agrément. Tous les autres moyens visant à obtenir l’annulation de la décision sont également rejetés par la Cour de justice.
3. Ce sont les liens établis entre la surveillance prudentielle et la LCB/FT qui fondent la compétence exclusive de la BCE. Mais la création, désormais actée, de l’autorité européenne de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (AMLA), afin de mettre en œuvre une politique globale de l’Union en matière de prévention du blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme, imposera sans nul doute de préciser les rôles respectifs des différentes autorités européennes en matière de LCB/FT. n